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VICTOR DEMARQUETTE, aux âmes bien nées

C’est avec la fougue de ses 19 ans que le jeune homme se défend d’être un « prodige », mais on a le droit de ne pas être d’accord avec lui. N’importe comment, que l’étiquette lui convienne ou pas, quand le monde de la musique classique vous couve d’un regard attentif depuis votre plus jeune âge, c’est que, pour s’exprimer par litote, vous ne manquez pas de talent ! En tout cas, le pianiste Victor Demarquette promet d’être l’une des sensations de l’édition 2024 du Festival de Pâques.

Une enfance bercée par la musique classique

Quand vous programmez les étudiants de la prestigieuse Menuhin Academy et que vous leur faites jouer le Concerto pour Piano, violon et cordes en ré mineur, du compositeur romantique allemand Felix Mendelssohn (qui a composé sa première pièce à 12 ans), personne n’est dupe : vous jouez la carte de la « jeunesse virtuose ». Et c’est très malin parce que le grand public est friand d’histoires contant les premiers pas sur scène des surdoués de la musique classique, qui d’ailleurs ne manquent pas (de Mozart à Chopin en passant par les Mendelssohn frère et sœur ou encore Franz Liszt…). Mais loin du cliché et du storytelling facile, l’histoire de Victor Demarquette est beaucoup plus touchante et infiniment plus humaine. S’il commence par jouer du violon avec sa grand-mère alors qu’il n’a que 4 ans, il passe dès ses 6 ans au violoncelle, pour faire comme son père, Henri Demarquette, qui l’inspire beaucoup. Au même âge, il s’essaie au piano, sur lequel il jettera définitivement son dévolu. L’objet l’attire et puis, ça paraît bête, mais l’instrument lui semble « facile » : il suffit d’appuyer sur une touche pour produire un son clair. Son père l’encourage d’ailleurs, mais ne lui avouera que plus tard qu’il y voyait déjà la possibilité de se produire un jour ensemble, l’un au piano, l’autre au violoncelle.

Les rencontres déterminantes

Victor ne pense donc pas une seconde à la concurrence qui règne entre les pianistes (ils sont nombreux et il n’y a jamais qu’un seul piano dans un orchestre) lorsqu’il arrête son choix. En vérité, c’est une rencontre qui le décide, celle de Rena Shereshevskaya, qui devient sa professeure lorsqu’il rentre à l’École normale de musique de Paris : « Ça a marqué la fin du violoncelle, je me suis dit que j’avais une super prof de piano, alors autant m’y mettre à fond ! » Très tôt, la pianiste émérite lui enseigne « l’exigence musicale ». Elle sait trouver les mots et lui montrer « à quel point la musique, c’est génial ». « Elle m’a fait aimer ça, en fait », nous confie le jeune homme avec un enthousiasme communicatif. On est loin du solfège vécu comme un pensum et de la hantise des enfants musiciens malmenés au nom de la perfection. Victor est certes le seul enfant de son cours, mais il vit la situation comme quelque chose de normal ; après tout, à la maison aussi, il est entouré d’adultes musiciens ! C’est à cet âge-là qu’il commence à se dire qu’il en ferait bien son métier. Et le métier tout entier suit son évolution avec intérêt et bienveillance. Lorsque Renaud Capuçon (voir ToutMa n°68) parle avec Rena Shereshevskaya de produire un jeune pianiste au Festival de Pâques, c’est une évidence pour les deux : ce sera Victor.

Le plaisir de l’exigence

Avec une reconnaissance si précoce, on pourrait imaginer Victor carriériste. Rien ne serait plus faux. Pour lui, la musique, c’est d’abord une expérience de partage. Quand on lui demande comment il fait pour obtenir une belle harmonie avec Bohdan Luts, soliste violon du concerto de Mendelssohn, pièce qui fait la part belle aux « dialogues » entre leurs deux instruments, sa réponse est sans équivoque : « Tout ce qui est musique d’ensemble, c’est du travail d’écoute. Il faut se détacher de ce qu’on fait pour mettre son oreille sur ce que fait celui avec lequel on joue. » Alors évidemment, Victor rêve de pouvoir vivre toute sa vie de la musique, de jouer les plus grandes œuvres dans les plus beaux ensembles, avec un souci d’excellence chevillé au corps, mais il met le bonheur au centre de sa démarche et n’oublie pas la leçon de sa professeure : « Pour que tu prennes du plaisir, il faut que tu sois rigoureux et exigeant. » En attendant de voir ce que l’avenir lui réserve, il se passionne pour le sport, le cinéma et les séries, comme n’importe quel jeune homme de son âge. Simplement, il lui tarde de découvrir plus avant le répertoire russe et de s’attaquer à Rachmaninov. Il se rassure en se disant qu’avec le piano, on n’a pas assez d’une vie pour tout jouer…

Concert dans le cadre du FESTIVAL DE PÂQUES
MARDI 2 AVRIL, Conservatoire Darius Milhaud

Felix Mendelssohn, Concerto pour piano, violon et cordes en ré mineur, MWV O 4 Menuhin Academy, ensemble à cordes
Suivi de la Symphonie pour cordes n° 9 en do majeur

© Photos : Caroline Doutre