
Mathias DANDINE, LA BASTIDE BOURRELLY, un menu Cezanne en écho à l’expo
Cet été 2025 sera marqué du sceau de l’année Paul Cezanne à Aix. Visiter l’expo au musée Granet, « Cezanne au Jas de Bouffan », s’impose comme un des hits de l’année. Et parce que peinture et gastronomie font bon ménage, on poussera le bouchon un peu plus loin en découvrant le menu que Mathias Dandine a dédié au peintre. Un moment d’émotion, sur toile et à table.
De Cezanne et la Provence, on dit qu’ils ne firent qu’un. Il en va de même pour Mathias Dandine, chef cuisinier dont le style, aux solides arguments provençaux, fait autorité. Cet été 2025 enfonce un peu plus le clou de cet enracinement provençal avec la participation du cuisinier aux célébrations liées au peintre de la Sainte-Victoire. Dans sa Bastide Bourrelly, à Cabriès, sa « maison d’hospitalité » comme il le dit joliment, Mathias Dandine a ressuscité un menu tel que Paul Cezanne l’aurait dégusté. Sous les platanes, protégé du plein soleil, avant ou après la visite du musée Granet, chaque plat prolonge en saveurs ce que le peintre ressentait par la couleur.
Canard aux olives comme au Tholonet
Jusqu’au 12 octobre, un menu inspiré des souvenirs écrits du peintre sera mis en assiettes à la Bastide Bourrelly, douces synesthésies suscitées par la dégustation du fameux canard aux olives que préparait Mme Rose Berne, tenancière du relais où Cezanne aimait s’attabler, au Tholonet, ou de cette daube de bœuf, hommage aux tablées familiales qui réjouissaient le cœur du peintre. Dandine adore les marqueurs de début et de fin de repas, à l’instar de la pissaladière, spécialité pourtant niçoise qui entame le défilé, composée d’une rafraîchissante anchoïade sous la forme d’une « microtartelette » et d’un toti de tapenade. La crème de calisson, avec de la mâche et un grain d’amande flatteur, décline en salé la fameuse spécialité aixoise. Hortense Fiquet, Madame Cezanne à la ville, avait servi une brandade à Auguste Renoir qui l’avait qualifiée d’« ambroisie des dieux ». Ce souvenir se raconte ici en deux temps, en fins pétales de chair nacrée et en aïgo boulido, jouant la carte salée, presque à l’excès. « C’est un parti pris, j’ai eu envie d’insister sur le sel », confesse le chef qui l’accompagne d’un verre de villa Beaulieu, un blanc minéral de 2014, rafraîchissant et porté sur des notes de fenouil. À l’heure du retour de chasse, le canard aux olives a conservé ses saveurs de 1900, rond et suave, escorté d’une tranche de focaccia toastée, tartinée de foies de volailles. Clin d’œil à la Nature morte aux pommes (1890), Mathias Dandine joue sur la cerise, l’abricot et la pêche. Un assortiment de coulis frais et légers, emprisonnés dans une gangue de chocolat blanc. Vous avez dit marqueurs ? Ce seront les chichis de l’Estaque, où l’Aixois a cultivé ses appétences fauvistes, trempés dans une confiture de fraises. Et parce que le vin cuit n’est pas réservé qu’aux fêtes calendales, il faudra célébrer le dessert avec un domaine Camaïssette, cuit au chaudron de cuivre et aux sarments, pour que l’hommage gourmet soit total.
Un peintre et un cuisinier précurseurs
Mathias Dandine a fait ses premiers pas en cuisine à 14 ans, il en a désormais 52. Si, pour l’écrasante majorité des chefs, le temps est assassin, l’expérience a eu l’effet inverse chez ce chef varois dont le travail n’a jamais été aussi moderne et dynamique. À l’heure où beaucoup succombent aux charmes de l’Asie pour apporter une énergie nouvelle à leur cuisine, Mathias en appelle à son intelligence. Et le résultat de ce travail d’équipe est stupéfiant de créativité. Alors faut-il redécouvrir l’œuvre de Paul Cezanne par le prisme d’un déjeuner ou d’un dîner à la Bastide Bourrelly ? Mille fois « oui », car du travail de ce chef au sourire coquin, on dira qu’il fut, par le passé, académique et rassurant et qu’il est devenu audacieux et inspiré. Assiettes ciselées, cuisine impeccable de pureté, lisse et forte en identité. Oui, la gastronomie provençale peut être contemporaine, moderne et impétueuse. Encore faut-il en avoir le courage et en avoir saisi toutes les finesses. Précurseur comme Cezanne le fut, en son temps. Pierre Psaltis

LA BASTIDE BOURRELLY
Place Albert-Florens, Calas-Cabriès
labastidebourrelly.com – 04 42 69 13 13
Texte : Pierre Pslatis
Photos : © Aurelio Photographe