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Stanislas Vandenberge, hot couture

À 22 ans, il achève son cursus d’étudiant et finit major de sa promotion dans la prestigieuse école ESMOD… Souvenez-vous bien de son nom car ce jeune prodige marche dans les pas de son idole Yves Saint-Laurent et saura sans aucun doute se faire un nom dans le milieu de la mode. Du Maître, il a le coup de crayon, la fascination de la féminité et la même silhouette haute et élancée. Il porte aussi de grandes lunettes carrées, détail d’une personnalité singulière affirmant l’originalité de son regard sur le beau. Sa première collection, réalisée dans le cadre de son projet de fin d’études et qu’il a dévoilée lors d’un défilé privé, est sidérante de créativité dans le registre ciné génique de la femme fatale assumée. Du glamour certifié haute couture…

ToutMa : Quelle est ta définition de la Mode ?

Stanislas Vandenberge : La mode est pour moi un moyen d’expression très fort. J’aime assez l’idée qu’un vêtement ou qu’une façon de porter un vêtement puisse faire passer beaucoup de messages. Pouvoir être libre de souligner sa personnalité avec une coupe qui nous correspond et des accessoires qui nous différencient, c’est ce que la mode permet de faire, d’exprimer.

TM : Comment cette collection a-t-elle pris tournure ?

SV : Dans une interview de Stanley Kubrick, j’avais lu qu’il traitait chacune de ses phobies dans ses films, comme une sorte de catharsis. J’ai trouvé ça très intéressant et j’ai donc voulu commencer par écrire un scénario, à la manière des vieux films d’horreur psychologique, avant de réellement penser aux vêtements. Recherche d’un frisson, d’un trouble, d’une ambiance à la fois violente et très esthétique.

Ensuite, j’ai réalisé de multiples recherches iconographiques. Puis, j’ai commencé à draper de la toile sur Stockman pour faire des essais, trouver des volumes. Après une synthèse de tout ce travail, j’ai ébauché quelques dessins tout en cherchant les matières. Les cuirs et la fourrure recyclée sont très présents dans le projet. Je suis allé chercher des peaux de qualité au Maroc. Pour le projet de manteau en fourrure recyclée, j’ai eu la chance de collaborer avec Quentin Veron à Marseille, et d’être sponsorisé par Sagafurs, ce qui m’a permis d’avoir une traçabilité sur la condition de l’élevage des animaux*, la tannerie et les colorations faites de façon artisanale. 

Ça m’a pris trois mois en tout. La présentation en showroom a été annulée à cause du confinement, mais j’ai quand même pu présenter la collection et mon projet fin septembre devant un jury.

TM : Quelles ont été tes sources d’inspiration ?

SV : Je suis un grand fan du cinéma de Tim Burton, Stanley Kubrick, Alfred Hitchcock, David Lynch et de musique, mes goûts allant de Serge Gainsbourg à Lady Gaga, en passant par les Pink Floyd et David Bowie. Des univers très léchés qui m’inspirent et dans lesquels je me retrouve depuis que je suis enfant. Puis, cela peut paraître cliché, mais les dressings de ma mère et de mes grand-mères ont joué un grand rôle dans mon approche du vêtement : la taille marquée, les épaules carrées, le jeu des longueurs et des asymétries, le noir…

Pour ce projet, j’ai été très inspiré par Shining de Kubrick, avec la montée en pression du film, et par Beetlejuice, de Tim Burton, pour cette scène du repas complètement dingue… Avec l’idée des camisoles de force pour aller danser, interpréter l’asile en évitant le premier degré et le déguisement, on a l’impression que les pièces sont mélangées et que l’on est complètement figé dans les vêtements. Alors que tout a été coupé dans des matières très confortables, comme des gabardines de laines cachemires très souples et confortables ou des cuirs assez fins, comme des secondes peaux.

TM : A-t-on des ouvertures professionnelles après l’ESMOD, surtout lorsqu’on finit major ?

SV : Que l’on soit major ou non, l’ESMOD fait partie des écoles de mode majeures dans le monde, donc cela aide, c’est certain, notamment pour la technique. Pour ce qui est de la suite… l’avenir le dira, c’est un peu tôt, surtout avec la période actuelle. Ce qui compte, c’est de réussir à trouver l’entreprise ou la Maison à laquelle on correspond et d’arriver au moment où elles en ont besoin.

TM : Envisages-tu de proposer cette collection en tant que designer ?

SV : Ce projet sert avant tout de portfolio montrant mon univers mais aussi les techniques que j’aime utiliser, tout en démontrant une ligne et une continuité graphique. Les maisons de couture ou de prêt-à-porter de luxe sont un rêve que j’ai depuis enfant. Intégrer un studio est vraiment un objectif.

TM : Penses-tu participer à des festivals comme celui d’Hyères, à la Villa Noailles, pour te faire connaître ? Comment vois-tu l’avenir ?

SV : Je m’informe le plus possible sur ce qu’il se passe aujourd’hui, notamment dans l’industrie de la mode qui est complètement en train d’évoluer par rapport à cette crise et aux défis écologiques auxquels nous sommes confrontés.

L’avenir est plus qu’incertain, pour l’instant j’ai vraiment envie de travailler pour le studio d’une maison et ainsi continuer d’apprendre avant de me lancer seul. Même si participer un jour à des festivals comme celui d’Hyères et, à terme, créer ma propre marque, serait un rêve…

*NB : Le bien-être animal dans l’approvisionnement des matières premières dans le luxe est aujourd’hui primordial.

Photos _Babeth Montagnier