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SOLANN, Blanche Colombe

Point brillant dans la noirceur musicale ambiante, l’astre Solann s’intensifie pour devenir plus visible qu’un croissant de lune abritant les nouveaux noms de la scène artistique. Les réseaux sociaux comme genèse, le talent qui sanctifie, et la sortie de son premier album dans le viseur du télescope. Une voix que l’on n’a pas fini d’entendre.

Monstre…

Un cas d’oxymore qui se perosnnifie. Il se féminise, il s’enlise dans le velours d’une voix, il se plastifie dans du polychlorure de vinyle, il se dénomme « Monstrueuse » en sortant d’un petit bout de femme, un morceau de talent à bout portant. Une femme-objet qui s’enfante d’elle-même.

Premier EP sorti en début d’année, « Monstrueuse » incarne la dualité d’une artiste en devenir. Celle de Solann, des airs de Paradis et la verve corrosive. Des titres ficelés, au fil de soie, ça va de soi. Une voix bien brodée, qui rôde dans les souffles d’un sourire dentelé. Dans ses mains, le ukulélé se transforme en harpe, la poésie tourne les mots en dagues. « Mes chansons sont mes séances de psy », clame celle dont la jeunesse n’empêche pas le pragmatisme. Six chansons qui explorent les turpitudes d’une femme, les débuts de la vingtaine en marche : de l’acceptation de son corps délesté, où l’on assume un sujet sur l’anorexie « Petit Corps », à l’introspection « Narcisse » plus classique, en passant par des titres féministes tels que « Rome », référence antique d’un sujet tout autant ancestral, la patriarchie, ou encore « Monstrueuse », explorant le biais cognitif dit « à somme nulle », quand le gain des femmes entraîne une perte (imaginaire) pour l’homme. C’est avec un certain émoi, donc, que l’on découvre cette artiste pluridisciplinaire, qui manie les textes aussi bien que sa propre théâtralisation, son univers sorti tout droit d’une peinture préraphaélite, un mouvement qui l’inspire : « J’ai besoin que les choses soient belles, même si ça raconte des horreurs. »

Photo de gauche : © Adriana Pagliai, Photo de droite : © Ilan Brakha

… de talent

Plusieurs corps à son âme : comédie (son père étant acteur, elle côtoie les deux côtés du rideau en grandissant), mannequinat et musique contribuent à sa maturation artistique. Pour le maniement des accords : « il y avait un piano chez ma grand-mère quand j’étais petite. » Mais le premier instrument qu’elle apprivoise, c’est un ukulélé offert pour ses 16 ans.

Stacey Kent, Hozier, Billie Eilish, Barbara ou encore Aznavour, dont elle partage les racines arméniennes, l’inspirent. Elle publie ses premières vidéos en ligne, tournant ses sonorités jazz et sa folk éthérée en un bourdonnement : celui des prémices, que certains suivent déjà sur les réseaux sociaux. Dans son abécédaire de reprises, elle accompagne Zaho de Sagazan sur « La dernière lettre ». Puis, le déclic médiatique se produit quand Patrick Watson la contacte pour faire sa première partie, en automne 2023, au Café de la danse : « J’étais stressée, je sentais mon cœur battre dans ma gorge. » C’est une voix astrale, une chimère auditive que le public découvre sur scène et poursuit sur Internet. Doucement, la machine commence à vrombir pour remplir les salles avant même la sortie de son premier album. Et si l’on peut déplorer dans ce dernier certains accompagnements qui semblent corroder quelques-uns de ses morceaux, dépossédant la chanteuse d’une authenticité qu’on lui avait trouvée sur ses acoustiques au profit d’une diffusion radiophonique à grande échelle, on sait s’en remettre au visuel de la pochette : l’apparence d’une jeune femme dont les points sous les yeux habillent d’exclamations un sentiment éprouvé en rencontrant son talent.

EN CONCERT
FESTIVAL AVEC LE TEMPS à Marseille le 19 mars 2024
festival-avecletemps.com

Photo en Une : © Adriana Pagliai