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Pablo PINASCO, un univers audiovisuel singulier

Le réalisateur marseillais, qui laisse toujours joyeusement deviner ses origines argentines dans son accent si charmant, s’est attelé à un projet d’une ampleur et d’un format inédits en écrivant et réalisant la websérie I am Mia. Une prouesse aussi bien technique que visuelle qui mélange les procédés créatifs. Chaque scène contient un film, une musique, un podcast, un storyboard, ou simplement un texte. Le spectateur est plongé dans une ambiance obscure et mystérieuse et même si, au début, l’incompréhension prime, on est vite happés par la poésie qui s’en dégage. Ouvrez vite Instagram ou YouTube et découvrez le secret de Mia…

ToutMa : Peux-tu nous « pitcher » rapidement l’histoire ?

Pablo Pinasco C’est l’histoire de Mia, une jeune fille surdouée, indépendante et solitaire, qui reçoit une machine mystérieuse pour voyager dans les souvenirs en entrant en contact avec l’eau. Accompagnée d’un couple à la dérive, elle entame un voyage à la recherche de ses origines. Une exploration qui va les mener au-delà de ce qu’ils avaient imaginé… Ce road trip contemplatif évoque le besoin d’avoir des souvenirs pour savoir qui on est mais aussi l’éloignement nécessaire pour devenir celui qu’on veut être.

TM : D’où te vient l’idée de ce projet ?

PP J’ai toujours été passionné par les souvenirs, comme une matière vivante que nous modulons à notre façon, que nous imaginons vraie et figée, mais qui n’est qu’une interprétation personnelle. J’avais en tête la mémoire comme sujet et l’eau comme moyen. Et au cours de mes recherches, je suis tombé sur la théorie de Jacques Benveniste sur la mémoire de l’eau… ça m’a fasciné ! Puis, comme dans tous mes projets précédents, le fantastique est venu soutenir mes idées. Il permet de mettre en avant des questionnements profonds d’une façon légère et de les aborder au moment précis où ils deviennent inévitables. J’adore cette citation de Paul Éluard qui résume ce que je veux faire « Il y a un autre monde, mais il est dans celui-là. »

TM : L’enfance et la mélancolie sont des sujets récurrents dans ton écriture, pourquoi ?

PP C’est difficile de savoir pourquoi certaines choses reviennent sans cesse… Je crois qu’on doit apprendre à contempler et arrêter de vouloir tout maîtriser. Peut-être que ce parti pris dégage une certaine mélancolie… Et qui, mieux que les enfants, pour nous inciter à refaire le monde autrement ? Je trouve que beaucoup de choses prennent une autre valeur quand elles sont dites par des enfants.

TM : Pourquoi publier les scènes au compte-gouttes et dans le désordre ?

PP J’ai commencé l’écriture d’I am Mia il y a quelques années déjà. Pendant le confinement, avec Blandine Papillon (comédienne), nous avions très envie de tourner, alors on s’est dit : « Tournons déjà une scène d’I am Mia ! » Comme Valérie Rivier (la productrice de Close your eyes) voulait soutenir ce projet depuis longtemps, mais en entier, on a décidé de découper l’histoire et de publier les 96 scènes au fur et à mesure des tournages, dans le désordre, comme un puzzle qu’il faudrait reconstituer à la fin. Au final, chaque petite production, d’une durée allant de 30 secondes à 6 minutes, peut être vue comme une œuvre individuelle. Cette nouvelle façon de faire répond aussi à la problématique du budget très limité : nous avons appris à travailler en équipe réduite et imaginé des contenus différents (film avec ou sans dialogue, podcast, illustrations, texte…).

TM : Comment s’est construite l’équipe du projet ?

PP Heureusement, je suis entouré d’amis qui bossent bien, des professionnels dans leur domaine ! Et ces amis ont amené d’autres amis… Ce projet s’est construit par passion et non sur l’aspect financier (rires)… tu sens rapidement si les gens adhèrent ! Tout le monde a dit oui, et tant mieux, sinon ça aurait été impossible. Ensuite, les aides du CNC Talent et de la Région Sud, arrivées après, nous ont vraiment permis de lancer l’aventure. J’aime beaucoup cette manière de travailler… intime, artisanale. Au début je le vivais comme une contrainte mais avec le temps je me suis aperçu que c’était un choix. Un choix que j’adore ! Miguel Angel Fernandez a pris la caméra, Christophe Menassier a créé un univers sonore, Fred Remuzat s’est mis à dessiner, Romy Durand est devenue Mia, Jeanne PeltierLanovsky a donné vie à l’infirmière… I am Mia a pris une forme étrange, transversale et multiformats, et ça a commencé à nous plaire !

TM : Qu’est-ce qui est le plus difficile dans une aventure comme celle-là ?

PP Garder l’énergie pour arriver au bout ! Au départ nous n’avions pas prévu de faire presque 3 heures de film… Ce type de projet indépendant tient à un fil, et chaque article de presse, chaque prix dans un festival permet de récupérer un peu d’énergie et d’aller plus loin. La dernière sélection au Festival de Fiction de La Rochelle nous a donné l’envie d’avancer encore ! Merci à eux, ça motive et je me dis que ce qu’on fait n’est pas si mal.

TM : Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

PP Trouver un diffuseur pour qu’I am Mia soit visionnée par un public plus large. Et que le digital ne soit plus considéré comme une passerelle professionnelle pour évoluer ailleurs mais un lieu que l’on peut s’approprier. Il faudrait mieux financer ce type de projets pour qu’on puisse continuer à en faire, avec cette liberté… sans devenir riches mais en payant tout le monde un peu mieux.

Sur Instagram : @iammia.story

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www.closeyoureyes.me