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Flore GIRARD DE LANGLADE, vestiaire mixte

Flore Girard de Langlade, c’est l’enfant prodige (mais pas prodigue !) qui revient dans le Sud après avoir réussi dans le luxe parisien. La styliste de tout juste 30 ans, soutenue par la Maison Mode Méditerranée, nous propose une nouvelle collection de caractère, à la fois très virile et pourtant si féminine, qui s’inspire d’un imaginaire tsigane camarguais. Ses coupes franches, élégantes et son sens inné pour valoriser les matières brutes pourraient bien faire de la Camargue une perpétuelle source d’inspiration de la mode.

ToutMa : Pourquoi « L’âge de raison », c’est parce que tu as 30 ans ?

 Flore Girard de Langlade : C’est d’abord un clin d’œil à la fin de mes études, en écho avec mon épanouissement personnel et professionnel, calqué sur mes inspirations de tauromachie et de vachers camarguais : c’est le moment où le torero se lance dans l’arène après des heures d’entraînement et de travail acharné, d’apprentissage. Cette collection est le fruit d’une réflexion autour du vêtement de travail et des codes du vestiaire conventionnel. Les années qui ont suivi mon diplôme m’ont poussée à beaucoup de remises en question avant que je me sente suffisamment mature pour lâcher du lest, et que j’ose me détacher du milieu du luxe, en acceptant que je n’y étais pas tout à fait à ma place. J’avais envie d’autre chose.

TM : Tous tes modèles sont des hommes, mais rassure nous, ce n’est pas que pour eux ?

FGdL : J’aspire plutôt à travailler sur un vestiaire genderless. Les pièces de cette série sont pensées pour être portées autant par les hommes que par les femmes. Dans ce cas elles sont ajustées et « fittées » sur de jeunes garçons, mais la collection que je prépare est, au contraire, d’abord pensée sur le corps féminin.

TM : Inspiration « gitans des Saintes-Maries-de-la-Mer » ou « gauchos argentins » ?

FGdL : Je puise vraiment mon inspiration dans le bassin méditerranéen, les tsiganes camarguais et les vachers me fascinent plus encore que les gauchos. Leurs vêtements de travail, leurs habits de lumière, leur cadre de vie… Ils sont à eux seuls presque l’identité d’une région et d’un artisanat local. Le denim aussi, qui est devenu en quelque sorte ma « spécialité » avec le cuir, est né dans la région au sens large, Marseille même était un vivier d’artisans et de « jeanners » ; c’était une autre époque, mais l’idée de le retravailler là où il est apparu me plaît, cela a plus de sens que de le faire n’importe où ailleurs.

TM : Fascination des capes ! D’Artagnan ou Zorro ?

FGdL : Je crois qu’il s’agit plutôt de Bartabas et des tsiganes de Zingaro.

TM : Quelle forme prend ton engagement dans le développement durable ?

FGdL : Je veux arriver à me détacher du système de saisons et de surconsommation de vêtements, d’un cycle fast fashion. Mes pièces sont faites pour durer, taillées dans une toile denim résistante aux lavages et aux portés réguliers. Aujourd’hui je n’utilise que des fins de stocks, l’idée est de ne travailler que le matériau brut prêt-à-teindre et d’intervenir ensuite, sans procédure de lavages, délavages ou apprêts chimiques, fixateurs, qui nécessitent des tonnes d’eau et une perte considérable d’énergie, tant matériellement qu’humainement. Je reconsidère aussi la fibre et souhaiterais développer du denim en toile de chanvre, moins gourmande en eau, encore un peu mal perçue et surtout peu utilisée aujourd’hui dans l’habillement haut de gamme.

TM : Que représente pour toi cette reconnaissance de la Maison Mode Méditerranée (MMM) ?

FGdL : C’est une chance d’être portée par cette fondation, d’avoir son soutien professionnel et d’être très entourée, mise en avant dans un contexte aussi compliqué que celui de la crise sanitaire. C’est aussi une piqûre de rappel qui m’encourage à ne pas baisser les bras car je sais à quel point Maryline Bellieud-Vigouroux (présidente de la MMM) croit en moi depuis toujours. C’est aussi une nouvelle famille et un réseau, ici, où je ne suis revenue que très récemment, après mon expérience à Paris. La MMM m’offre un tremplin, des perspectives concrètes de travail, un soutien financier, une écoute très positive et c’est aussi un vivier de jeunes créateurs qui partagent une même envie et une même énergie.

TM : Si une célèbre maison de couture te choisissait comme designer, accepterais-tu ?

FGdL : Aujourd’hui, je ne ressens plus l’envie de travailler pour une maison. Mon expérience comme styliste cuir, denim et fourrure chez Chloé a été exceptionnelle, très enrichissante professionnellement, humainement, j’ai appris auprès de talents fascinants, mais je suis trop en décalage avec le système de fonctionnement du luxe. Ce n’est pas ce à quoi j’aspire aujourd’hui, mais qui sait, mes perspectives changeront peut-être dans quelques années ? J’ai trouvé mon équilibre en travaillant au sein de la marque Gertrude + Gaston, dans un contexte épanouissant, jeune, enthousiaste, et je continue mon projet personnel de création d’entreprise et de collaborations à mon rythme, dans mon atelier.

TM : Dans tes rêves les plus fous, avec qui voudrais-tu travailler ?

FGdL : J.W. Anderson ou Phoebe Philo, deux génies.

TM : « Flore Girard de Langlade » restera-t-elle ta signature artistique si tu deviens toi-même riche et célèbre ?

FGdL : Je signe aujourd’hui mes projets avec mon nom, et j’espère pouvoir continuer ainsi pour longtemps ! CB

sur Instagram @floregdl