Amâzonia, jusqu’au 30 novembre au Palais des papes
Difficile aujourd’hui de s’intéresser depuis l’Europe à des cultures, à des géographies lointaines sans se sentir un peu crypto-colon-explorateur sur les bords. C’est qu’elle n’est pas simple, la position de l’ethnographie, historiquement associée à une vision de surplomb vis-à-vis de peuples soi-disant « primitifs ». Alors, dans cette ère du soupçon qu’est la nôtre, il faut tout réinventer, en se méfiant des préjugés, des clichés essentialistes, mais aussi d’un prêchi prêcha new age folklorisant.
La meilleure façon de procéder, c’est peut-être, comme souvent, de mélanger, de confronter des points de vue, sans dogmatisme, mais aussi et surtout, sans s’interdire d’être curieux et de s’intéresser à ce qui est loin de soi. Et on peut dire qu’à ce titre, l’exposition Amâzonia, installée dans l’enceinte du Palais des papes, à Avignon, est une franche réussite. Bien sûr, les photos (superbes) de Sebastião Salgado reprennent les codes de la photographie documentaire (portraits de groupes indigènes, accent mis sur les tenues et sur les maquillages), mais leur dimension artistique déborde d’un cadre qui serait simplement ethnographique. Leur mise en situation, dans une scénographie (signée Lélia Wanick Salgado) qui cherche à retranscrire, pour le spectateur, une impression de la forêt amazonienne, sur une bande son composée par Jean-Michel Jarre fait toute la différence. Ce dernier, qu’on ne présente plus, a cherché justement à éviter l’approche ethnomusicologique pour composer une musique évocatrice de la forêt et pour ainsi dire « impressionniste ». Une façon de rendre compte de l’Amazonie avec poésie et respect.
L’exposition, outre les photos et des projections sur des musiques de Heitor Villa-Lobos et de Rodolfo Stroeter, présente aussi de courts documentaires (tournés en Amazonie brésilienne), qui livrent les témoignages de personnalités indigènes plaidant la nécessité de préserver leur culture et leur environnement. La dimension écologique des enjeux amazoniens fait office de fil rouge tout au long de l’exposition, lui conférant une hauteur de vue appréciable. Le cadre majestueux du Palais des papes, parachève de donner à cette symphonie-monde une résonnance à sa mesure.
Place du Palais, Avignon
Détails photo en une : Archipel fluvial de Mariuá, Rio Negro, État d’Amazonas, Brésil
Photo en une par : © Sebastião Salgado