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Frédéric Farrucci, la Corse crépusculaire

Présenté lors de la dernière Mostra de Venise, Le Mohican de Frédéric Farrucci impressionne par son ambition cinématographique. Entre drame, western et thriller, le deuxième long-métrage du réalisateur ajaccien offre l’un de ses plus beaux rôles à Alexis Manenti. Rencontre avec un cinéaste passionné.

« Tout est parti d’une rencontre que j’ai faite en 2017. Celle d’un berger du littoral corse, du nom de Joseph Terrazzoni. Je l’avais filmé pour les besoins d’un documentaire que j’avais tourné dans l’extrême sud de l’île. Compte tenu de son activité, il se définissait comme ‘‘le dernier des Mohicans’’, observe Frédéric Farrucci. Pour son deuxième long-métrage, Le Mohican, le cinéaste originaire d’Ajaccio est revenu sur son île, après un premier film (La Nuit venue, 2020), entièrement tourné à Paris et centré sur de la communauté asiatique. « Sur ce nouveau projet, j’ai eu l’impression de travailler plus vite, de manière plus intuitive. En revenant en Corse, j’avais ce sentiment de légitimité. Filmer ce territoire et ces gens que je connais était finalement plus aisé pour moi », analyse le réalisateur.

Enjeux économiques

Avec Le Mohican, présenté dans la section « Orizzonti Extra » lors de la dernière Mostra de Venise, Frédéric Farrucci brosse le portrait d’un résistant, Joseph (impressionnant Alexis Manenti). Alors que son terrain est régulièrement convoité pour différents projets immobiliers, ce berger du littoral corse refuse de céder ses terres. Tout bascule le jour où il tue l’homme venu l’intimider. Contraint de prendre la fuite et de partir en cavale à travers son île, cet agriculteur sans histoires devient un véritable héros pour une grande partie de la population locale. Avec ce récit, le cinéaste aborde des enjeux économiques précis : « Il est question d’une vague libérale qui transfigure le territoire corse et qui emporte tout avec elle. Dans le film, le personnage de Joseph se bat contre ces hommes qui voudraient uniformiser le littoral. Or, il y a de la place pour tout le monde. Pour de nouveaux immeubles d’une part mais aussi pour des exploitations agricoles par ailleurs ».

Entre réel et romanesque

Pour donner vie à son histoire, le réalisateur a choisi le genre du western contemporain. Un registre qui s’est assez rapidement imposé, comme il le souligne : « Joseph élève ses chèvres sur une presqu’île. En cela, il rappelle un cowboy. Comme dans un western, il est question ici d’un conflit de territoires mais également de civilisations. De plus, ce personnage, en apparence simple, va devenir progressivement une sorte de héros et développer toute une mythologie populaire autour de lui ». Dans le rôle de ce berger incorruptible, Alexis Manenti (Les Misérables, Le Ravissement…) trouve certainement l’un de ses meilleurs rôles. Le reste du casting (à l’exception de l’actrice belge Mara Taquin, vue récemment dans La Petite de Guillaume Nicloux) est composé uniquement d’acteurs corses. Des comédiens confirmés (Michel Ferracci, Paul Garatte, Andrea Cossu…) côtoient des acteurs non professionnels. « Marc Memmi, qui interprète le personnage du vétérinaire, joue ici son propre rôle. Il a son cabinet à Ponte Leccia. Je voulais faire apparaître des figures du réel et du quotidien dans mon film, que je souhaitais par ailleurs très romanesque »,note Frédéric Farrucci. Un film qui finalement doit aussi beaucoup à son autre personnage principal, la Corse. Une île que le cinéaste définit avec trois mots bien choisis : « Complexe. Intense. Riche. Trois adjectifs qui évoquent ce territoire que je connais bien mais aussi sa population, si particulière ». Devant la caméra de Frédéric Farrucci, l’Île de Beauté livre quelques-uns de ses innombrables secrets…

Le Mohican de Frédéric Farrucci. Avec Alexis Manenti, Mara Taquin, Paul Garatte, Michel Ferracci…
En salles le 12 février

© Photos : Koro Films