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FRAC SUD, CITÉ DE L’ART CONTEMPORAIN, nouveau nom pour une nouvelle vie

Le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur se réinvente. Cette année, alors qu’il fête ses quarante ans, il affirme son identité sudiste et prend le nom de Frac Sud – Cité de l’art contemporain, parce que la cité, c’est un lieu de vie, et que l’art contemporain se porte mieux en étendard et en toutes lettres qu’en acronyme. Il a su faire la preuve de son excellence en acquérant une dimension internationale, mais pour sa deuxième vie, fier de sa mission de service public, il fait le pari d’un engagement local, davantage tourné vers le vivre ensemble. Rencontre avec sa directrice, Muriel Enjalran, et sa présidente, Caroline Pozmentier-Sportich.

Photo de gauche : Muriel Enjalran © Laurent Lecat, Photo de droite : Caroline Pozmentier-Sportich © Robert Poulain

ToutMa : Quel bilan tirez-vous de ces 40 années d’existence ?
Caroline Pozmentier-Sportich : Grâce à une politique volontariste de décentralisation, qui est au fondement de la mission des fonds régionaux d’art contemporain, nous avons réussi à toucher des publics inédits. Au plan politique, le bilan est donc positif, mais il est nécessaire de poursuivre nos efforts, parce que la « bataille pour l’art contemporain » n’est jamais définitivement gagnée, à la fois sur ses enjeux patrimoniaux et sur ses enjeux sociétaux, aujourd’hui prépondérants.
Muriel Enjalran : Au niveau artistique, nous pouvons mettre en avant l’extraordinaire richesse des 23 collections publiques d’art contemporain qui ont été constituées par les Frac, et notamment celle du Sud, avec plus de 1 400 œuvres dont certaines ont aujourd’hui une réelle dimension historique et un rayonnement international. Nous avons su collectionner des artistes français qui aujourd’hui font partie des très grands noms du champ contemporain comme Pierre Soulages, Joan Mitchell, mais aussi toute une scène française des années 1990, avec des artistes comme Xavier Veilhan, qui est devenu depuis une star internationale.

TM : Comment fait-on pour fédérer autour de l’art contemporain ?
CP-S : En multipliant les modes de diffusion des œuvres et en encourageant des coproductions qui éduquent et éveillent le grand public. Nous avons fait le pari d’une politique hors les murs. Même si les Frac sont souvent hébergés dans des bâtiments créés par de grands architectes, il ne faut pas oublier qu’un même fonds régional expose sur plusieurs sites. Le Frac, c’est un label, des missions d’intérêt général et à ce titre, nous ne nous interdisons rien en matière de diffusion et de partenariats, notamment avec le privé. Sans oublier qu’il est fondamental d’aller vers des publics éloignés qui ont besoin d’ingénierie culturelle, que l’on parle du public carcéral ou de la petite enfance. L’avenir des Frac s’inscrit dans leur exigence de transmission et dans leur soutien aux artistes.
ME : Nous intervenons notamment depuis dix ans dans des centres pénitenciers de la région et présenterons le 30 juin un projet développé avec la maison d’arrêt, la SAS d’Aix-Luynes, et le centre de détention de Salon- de-Provence. Une artiste nomade, Diane Etienne, travaille sur plusieurs sites avec des détenus auprès des- quels elle organise des ateliers. Leur réalisation prendra la forme d’une tapisserie. Pour filer la métaphore : on tisse du lien au sens propre et au figuré !

Hamish Fulton © Laurent Lecat

TM : Et pour gagner les cœurs et les esprits du grand public ?
CP-S : Nous repoussons toujours nos limites pour toucher un public divers, comme avec les olympiades culturelles.
ME : Absolument ! Nous amorçons une année thématique « art et sport » qui culminera avec les JO de 2024 ; mais dès 2023, nous défendons une quinzaine de projets estampillés « art et sport » sur l’ensemble des six départements de la région. Projets avec des établissements scolaires, résidences artistiques dans des centres d’entraînement sportifs labellisés pour les JO… L’idée est de créer des rencontres inédites entre le monde de l’art et celui du sport pour rapprocher durablement de l’art les amateurs de sport.

TM : Le bâtiment de la Joliette fête aussi son anniversaire…
CP-S : Ses dix ans, pour être exacte. L’idée de départ était de remettre de la vie dans ce qui, à l’époque, était une friche. L’enjeu urbanistique était énorme. Et faire le pari du lien, de la rencontre, grâce à l’art, c’était une proposition très forte !
ME : C’est pour ça que nous programmons cette année une biennale d’art contemporain, qui est aussi une biennale de voisinage transculturelle, transdisciplinaire et transcommunautaire, dans ce « quartier carrefour ». Nous fédérons les différents usagers du quartier autour de propositions artistiques, comme un banquet citoyen avec des artistes, la présentation d’œuvres d’art dans les vitrines des commerçants, etc.

TM : Quelle exposition aller voir cet été ?
ME : La belle expo de Martha Wilson ! C’est la première exposition en France de cette artiste new-yorkaise féministe qui nous parlera du corps des femmes qui disparaît de l’espace public à partir d’un certain âge, mais aussi de l’imagerie quotidienne, du flux d’images de la publicité, de la communication… Comment faire pour résister à ces assignations à la beauté et à l’éternelle jeunesse ?
CP-S : C’est bien la preuve que l’art contemporain s’empare de sujets de société qui nous concernent tous !

Photo de gauche : Portrait de Martha Wilson, 2023, Frac Sud, Photo de droite : Martha Wilson, Posturing Age Transformation, 1973

FRAC SUD
20 boulevard de Dunkerque, Marseille 2e
fracsud.org

LES TEMPS FORTS
DEPUIS MARS : exposition Hamish Fulton
JUIN : médiation Le Frac en milieu pénitentiaire
JUILLET : exposition Martha Wilson
OCTOBRE : Biennale de la Joliette