DOROTHÉE DELAYE, passé recomposé
Elle est à l’origine du design des restaurants Mimosa (Paris, Saint-Tropez), de la refonte du prestigieux Monte Carlo Beach Club, mais aussi de la rénovation de l’appartement de Gabrielle Chanel. Dorothée Delaye, Marseillaise d’adoption et de cœur, est l’architecte et designer à suivre en ce moment. Entre l’ouverture récente de l’hôtel Amista, le futur opening d’un 5 étoiles à Bandol, et son lien de plus en plus fort avec l’artisanat méditerranéen, son approche incarnée, volontairement atemporelle, trouve, là où le soleil brûle, une résonance singulière.
Une trajectoire libre
Avant de se lancer dans l’architecture d’intérieur (formation à l’École Boulle), Dorothée Delaye est passée par la publicité et la direction artistique. « Cette trajectoire nourrit mon approche de l’espace. J’aime les récits, les identités multiples. Chaque lieu est pour moi une histoire à révéler », explique-t-elle. Originaire de La Rochelle, elle s’est récemment installée à Marseille après avoir vécu vingt-cinq ans à Paris. Mais elle fréquente depuis longtemps la cité phocéenne, qui lui évoque le Brésil : « Je venais depuis quinze ans avec mon mari. Notre voilier était amarré ici. » Aujourd’hui, elle y a ouvert un deuxième bureau, rue Saint-Jacques, et a rénové une maison avec vue sur mer, devenue source d’inspiration pour sa première collection de mobilier, Habiter sur l’eau, dévoilée lors de la Paris Design Week 2024. Travertin, bois profond, céramique brute : un vocabulaire sculptural qui affirme son goût pour l’intemporel.
Amista, ode à Marseille
Inauguré cette année, l’hôtel Amista (ex-hôtel Saint-Louis) à Noailles est le plus vieil hôtel de Marseille. Pour ce projet, Dorothée Delaye a imaginé une maison provençale chaleureuse et populaire : « J’adore les ports, les lieux de passage. À Noailles, j’ai voulu faire entrer la couleur, raconter une histoire textile. » Alors elle s’est appuyée sur les indiennes de Nîmes, ces tissus venus d’Inde et transformés localement. Trois palettes chromatiques habillent les chambres, avec des tissus sur mesure dessinés avec Elitis. Tout est pensé dans le détail : mosaïques jaunes, papiers peints, mobilier chiné… et surtout, l’artisanat marseillais est mis en avant à chaque étage. Fanny Versace (teinture végétale), Enamoura (abat-jour), Franck Menegaux ou Delaney Inamine (photographes) signent une décoration enracinée.


Entre mer et mémoire
À Monaco, pour la refonte du Beach Club, Dorothée a revisité l’esprit des années 1930. « On a retrouvé des images de Chanel, Cocteau et Picasso jouant au poker sur la terrasse ! J’ai voulu convoquer cette époque d’abondance visuelle », nous confie-t-elle. Tout a été dessiné sur mesure en sept mois. Prochain chapitre ? De nouvelles suites balnéaires chic prévues pour 2027. À Bandol, elle pilote actuellement la transformation d’un hôtel 5 étoiles, composé de deux bâtiments reliés par une passerelle sur la baie de Renécros. Ici, pas de démonstration de force : « Je fais de la non-déco. La vue parle d’elle-même. Les chambres sont apaisantes, entre vert sauge et terracotta. Dans la thalasso, c’est ambiance sous-marine ! Hommage à Cousteau qui testait ses scaphandres ici. » Là encore, les talents du Sud sont mis à l’honneur : Carlès & Demarquet pour la marqueterie, Franca Atelier pour les miroirs, Marie Veidig à la curation. « Ce qui m’intéresse, c’est l’histoire d’un lieu, pas d’y apposer une signature », ajoute-t-elle.
Un langage sensible
De Gabrielle Chanel à Jean-François Piège, Dorothée Delaye adapte son style à chaque projet. Appartement privé rue Saint-Honoré, maisons de collection, hôtels en France et à l’étranger, un même principe : « À Bandol, je parle de mer. À Noailles, de mixité. À Marrakech, de décadence à la Saint Laurent ! » Céramistes, ferronniers, tapissiers… l’artisanat est au cœur de son processus créatif : « Je découvre les artisans sur mes chantiers. Je les teste, je les intègre. Diane Fekete a réalisé les plateaux céramiques de la table Levant. Carlès & Demarquet ont fabriqué mes chevets pour Bandol. » Une démarche collective qui nourrit aussi son mobilier d’édition. Visuellement, elle puise dans le cinéma, la littérature et les voyages : « Je fais des arrêts sur image mentaux. Instagram lisse tout. Moi, je préfère les archives, la mémoire. » Les projets s’enchaînent. En 2026, elle inaugurera un hôtel festif à Marrakech (Le Cabestan, très Saint Laurent dans l’âme), un 5 étoiles à La Baule (Les Cimes Bleues) et ajoutera à son book une collaboration avec Monoprix, pour Noël.
SA JOURNÉE DE RÊVE À MARSEILLE :
Nager au petit matin à la plage du Prophète
Marcher dans les calanques pour puiser l’inspiration
Dîner à la Poissonnerie Kennedy
Photo en Une : © Pauline Chardin