
Brasilia, Utopie capitale Jusqu’au 25 mai
Le xxe siècle restera malheureusement dans la mémoire collective comme celui du totalitarisme. Mais déjà à l’époque, cette pensée du « tout », originellement esthétique, allait bien au-delà des délires politiques d’autocrates et autres absolutistes cacochymes. Une idée, (les mauvais esprits diront « évidemment ! ») héritée de l’Allemagne du xixe siècle (#deutschequalität) qui au départ voulait penser le concept de l’harmonie dans la création et s’interrogeait sur notre capacité à l’atteindre, ainsi que sur les moyens que nous devions mettre en œuvre pour la toucher du doigt. Une ambition intellectuellement hyper stimulante en soi. Mais, direz-vous, ça ressemble pas mal à de l’hubris… Et… il y a un peu de ça. Pas étonnant dès lors que la plupart des projets modernistes qui se sont inspirés de cette pensée soient partis à vau-l’eau. Brasilia compte parmi ces bonnes intentions dont est pavé l’enfer. L’idée de départ était louable : créer une nouvelle capitale à l’intérieur des terres et mettre fin à la rivalité entre São Paulo et Rio de Janeiro. « 50 ans de progrès en 5 ans » promettait aux Brésiliens le président Juscelino Kubitschek, en 1956.
Sauf que voilà, entre les déplacements de populations indigènes et les 30 000 ouvriers morts sur les chantiers, il est difficile de parler de « progrès » malgré les indiscutables prouesses architecturales que l’on doit à Oscar Niemeyer et Lúcio Costa, qui se sont inspirés des travaux du Corbusier. C’est cette ambivalence radicale qui ressort de l’exposition présentée à la Cité Radieuse sous le commissariat de Danielle Athayde. En plus des croquis et autres plans pilotes, on est particulièrement touché par les photos de Marcel Gautherot, Peter Scheier ou encore Mário Fontenelle, qui mettent au premier plan les travailleurs, sur fond de chantiers monumentaux. On ne peut s’empêcher de faire la comparaison avec les travaux du célèbre Lewis Hine sur la construction de l’Empire State Building, les photos de l’édification de Brasilia étant, en plus, marquées par un esprit de ferveur que l’on a du mal à comprendre. Mais on le sait pour faire un cauchemar, il faut commencer par se mettre à rêver…



Galerie Kolektiv Cité Radieuse
Unité d’Habitation Le Corbusier, 280 Bvd Michelet, 3e rue : n°313 et 323, 13008 Marseille 8e
Entrée libre
Photo du texte
1 : Peter Scheier – Workers in the back ground the Pianalto Palace , 1960 – Moreira Salles Institute / Photo 2 : © Marcel Gautherot, National Congress 1958 – Moreira Salles Institute / Photo 3 : Public Archive of Distrito Federal – Oscar Niemeyer at the NOVACAP office
Photo en Une
© Marcel Gautherot – Campus of the University of Brasilia under construction 1961 – Moreira Salles Institute