Marseille
17 Nov, Monday
14° C
TOP

Prïncia Car, cinéaste du désir

Remarqué à la Quinzaine des Cinéastes lors de la dernière édition du Festival de Cannes, Les Filles désir de Prïncia Car offre un nouveau regard sur la jeunesse, les femmes et la ville de Marseille. Rencontre avec sa réalisatrice inspirante.

ToutMa : Les Filles désir est votre premier long-métrage. Vous aviez déjà scénarisé et réalisé plusieurs courts-métrages par le passé (Je suis à vous, Barcelona…). Y a-t-il eu un déclic en particulier dans ce passage à un plus long format ?
Prïncia Car : Pas vraiment. Je connais les acteurs du film depuis plusieurs années maintenant. À leurs côtés, j’ai développé plusieurs courts-métrages. Il y avait ce rêve, depuis un certain temps, de faire quelque chose d’encore plus étoffé. Comme c’était le cas sur les précédents projets, ils se sont totalement impliqués sur ce nouveau film. Les Filles désir est véritablement le résultat d’un travail collectif. Évidemment, le passage au long-métrage n’aurait pas été possible sans l’aide de ma co-scénariste, Lena Mardi, et de ma productrice, Johanna Nahon, qui a totalement cru en nous.

TM : Au début de votre film, vos deux personnages féminins, Yasmine et Carmen, sont comme en retrait, noyées dans ce groupe composé d’hommes. Petit à petit, elles prennent leur place et assument leurs choix. Les Filles désir n’est-il finalement pas avant tout le récit d’une émancipation ?
PC : Tout à fait. Mais plus que deux jeunes femmes qui prennent leur indépendance et finissent par affirmer leur désir, mon film questionne surtout la place de l’individu dans un groupe et la manière dont il faut trouver sa place. Que l’on soit fille ou garçon. J’ai moi-même souvent évolué avec des groupes d’amis. Ce qui peut donner un sentiment de puissance mais également d’enfermement. C’est de cette ambivalence que je voulais parler ici.

TM : Pourquoi ce titre, Les Filles désir ? Que désirent justement ces jeunes femmes ?
PC : Le désir auquel je fais référence dans le titre du film est particulier. Ce n’est pas un verbe. Je voulais surtout parler d’une évolution. Au départ, ce sont les garçons qui disent aux filles ce qu’elles doivent désirer. Elles n’ont pas leur mot à dire et n’ont d’ailleurs pas vraiment conscience de ce qu’elles veulent. Ce n’est qu’en se détachant du groupe qu’elles vont pouvoir mettre des mots sur ce dont elles ont vraiment envie.

TM : C’est un film sur la puissance du féminin et c’est aussi un film de femmes puisque vous l’avez coscénarisé avec Lena Mardi et qu’il a été produit par Johanna Nahon. Parlez-nous de votre collaboration…
PC : Nous nous connaissons toutes les trois depuis dix ans. En 2015, nous étions stagiaires et nous défendions le film Mustang de Deniz Gamze Ergüven au Festival de Cannes. C’est à cette époque que nous avons vraiment découvert le monde du cinéma et ses différents métiers. Nous avions le rêve de concrétiser un projet de film toutes les trois. Dix ans plus tard, ce souhait a été réalisé. Et puis Les Filles désir a été présenté à la Quinzaine des Cinéastes tout comme Mustang, dix ans plus tôt. On ne pouvait pas rêver mieux.

TM : Avec Les Filles désir, vous retrouvez Leïa Hachour que vous avez fait tourner dans vos différents courts-métrages et à qui vous offrez ici le rôle magnifique de Yasmine. C’est un peu votre « Antoine Doinel » ?
PC : Leïa, c’est la famille. Nous sommes très proches. Elle est l’une des figures tutélaires de ma troupe de comédiens. Lorsque j’ai fait sa connaissance, c’était encore une adolescente. Petit à petit, elle est devenue une femme. Même s’il s’agit d’une fiction, Les Filles désir évoque par moments son histoire. C’est aussi pour cette raison que son personnage semble si juste.

TM : Quid de l’épatante Lou Anna Hamon, l’interprète de Carmen qui fait ici ses premiers pas au cinéma ?
PC : Comme pour les autres personnages, nous avions en tête une jeune fille pour le rôle de Carmen. Mais, pour différentes raisons, elle n’a pas pu participer au tournage du film. Il a donc fallu faire un casting pour trouver une nouvelle interprète. Lorsque nous avons vu Lou Anna, il y a eu comme une évidence. Elle était le personnage que j’imaginais, tout en proposant quelque chose de plus. C’est une très belle découverte.

TM : La ville de Marseille est également très importante dans le film. Quelles étaient vos intentions de départ ? Comment souhaitiez-vous la filmer ?
PC : Je voulais vraiment éviter de filmer les quartiers Nord comme des endroits ternes. Ils peuvent également être très lumineux et c’est ce que j’avais à cœur de montrer. À l’origine, les comédiens du film viennent du troisième arrondissement de Marseille, mais il était compliqué de tourner là-bas. Nous avons donc filmé dans le dixième arrondissement, non loin de La Valentine, qui correspondait bien à cette image de quartier populaire et ensoleillé que je désirais montrer à l’écran.

TM : Pour finir, pourriez-vous nous dire un mot sur votre engagement auprès des jeunes des quartiers Nord auprès desquels vous animez différents ateliers et cours du soir. Vous aviez d’ailleurs fondé une école de cinéma à Marseille il y a quelques années…
PC : Je donne effectivement différents cours de théâtre et de cinéma à travers plusieurs associations comme les Têtes de l’Art. Le but est d’amener la culture dans des quartiers où elle n’est pas forcément facile d’accès. Cela fait plusieurs années désormais que je consacre une grande partie de mon temps à cet engagement auprès de jeunes d’endroits dits sensibles. Il est important pour moi de leur prêter main forte. Un travail récompensé puisque, de leur côté, ils m’ont tellement apporté !

Les Filles désir de Prïncia Car. Avec Leïa Hachour, Lou Anna Hamon, Housam Mohamed…
En salles le 16 juillet