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LUMA ARLES, depuis juin 2021

Impossible de dissocier le complexe culturel Luma Arles de sa fondatrice, la collectionneuse d’art, mécène et réalisatrice Maja Hoffmann. Si celle-ci se fait rare dans les médias, elle est paradoxalement omniprésente à Arles, tant ses goûts et son esprit marquent chaque petit bout d’atome, chaque petite parcelle de béton mis à contribution dans le grand chantier architectural qu’elle a lancé, en 2014, sur la friche ferroviaire arlésienne. Le genre de site urbain remarquable que l’on cherche instinctivement du coin de l’œil dès lors qu’il s’agit de s’orienter dans la ville. La pièce maîtresse, un bâtiment de 56 mètres de haut, a quelque chose d’une tour de Babel, mais qui tenterait non pas tant d’atteindre le ciel que de s’y fondre, en rendant hommage au passage aux ciels de Van Gogh. Car c’est la même lumière qui se diffracte sur sa façade de miroirs élaborée par Frank Gehry que celle captée par le peintre sur ses toiles provençales les plus emblématiques. Le rapprochement est voulu et il est audacieux, mais l’esprit du projet relève de la grandeur bien plutôt que de l’hubris* : en dépit de son caractère conceptuel, il a su garder les pieds sur terre et ça se voit jusque dans sa matérialité la plus concrète. Les biomatériaux développés par l’Atelier Luma qui ont été mis à contribution pour l’aménagement des espaces du complexe (tournesol pour des panneaux acoustiques, algues pour la production de pigments, laine mérinos pour l’ameublement, etc.) sont en effet issus d’une revalorisation de déchets agricoles de la région. Multifacette à l’image de sa tour, le complexe, pensé comme un campus, rechigne à se définir comme un musée. Bien sûr, il y aura des expositions, évidemment il accueillera des conférences sur l’art, mais sa vocation, plutôt que de collectionner, est de produire : des idées, des artistes, des œuvres, des installations numériques, des expériences sociales… le panel des possibles est large, et surtout, il n’est pas figé. À croire que Maja Hoffmann, qui a fait ses premières armes de réalisatrice en suivant le travail de Marina Abramović, l’une des pionnières de l’art corporel, a réinvesti des concepts artistiques des années 1950 dans une vision écologique très actuelle : le complexe est pensé comme un organisme vivant. Difficile dès lors de prédire son évolution. CBé

* Chez les Grecs antiques, ce qui relève de l’orgueil, d’une démesure telle qu’elle doit être punie par les dieux.

www.luma.org