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Laure GRANDBESANÇON, épopée radiophonique

Laure Grandbesançon, c’est la voix des vacances pour de nombreux enfants. Les Odyssées, son podcast d’histoire (dont les épisodes sont publiés avant les congés scolaires), qui raconte avec une bonne dose de jubilation et beaucoup de malice les aventures insolites et haletantes de figures historiques, fait l’unanimité, tant chez les petits que chez les grands. Avec 70 histoires au compteur et plus de 15 millions de téléchargements, c’est le rendez-vous que les minots ne sauraient manquer. Retour sur un succès radiophonique qui est lui-même une aventure à part entière.

Une enfance marseillo-ciotadenne

La plupart des narrateurs vous le diront, pour bien commencer une histoire, il faut poser un cadre qui a du relief ! En tout cas, Laure en est persuadée, ce qui lui a donné des envies d’aventures, c’est d’avoir baigné toute son enfance entre La Ciotat et Marseille. D’ailleurs, plus qu’à une ville en particulier, c’est à une atmosphère, une esthétique, qu’est restée attachée la jeune femme. « Je me suis dit plusieurs fois dans ma vie que j’avais eu une chance extraordinaire de grandir au bord de la Méditerranée, parce que j’ai eu l’oeil saturé de lumière et de beauté », nous confie-t-elle avec un enthousiasme communicatif, revenant notamment sur sa fascination pour l’histoire millénaire de Marseille, dont les murs portent partout la trace. Il faut croire qu’à voir, enfant, des amphores romaines excavées sous le violet pétaradant d’un bougainvillier, on a naturellement envie de prendre la mer pour vivre des aventures d’explorateur ; au hasard à bord de l’Étoile de Louis Antoine de Bougainville, aux côtés de la botaniste Jeanne Barret, qui sera plus tard l’héroïne d’une Odyssée… Mais une minute, nous n’en sommes pas encore là.

En attendant de trouver sa voie, Laure grandit sous le soleil du Sud avec la radio en fond sonore et joue à pasticher des émissions qu’elle enregistre sur cassette. Oui, sur cassette, on est quelque part à la fin du xxe siècle. Pour autant, la radio n’est pas tout de suite une évidence. Avant de se lancer sur les ondes hertziennes et sur Internet, Laure étudie le théâtre (elle en fait pendant huit ans) et la philosophie. C’est à 25 ans qu’elle a sa grande révélation. Alors qu’elle participe, pour un spectacle, à une interview sur une sorte de radio pirate, elle a un véritable « coup de foudre pour le micro ». Aucun doute, c’est ça qu’il faut qu’elle fasse. Elle prend exemple sur des amis étudiants et postule à un stage chez France Inter, où elle fait ses premières armes sous l’égide d’Eva Bester, dans l’émission « Remède à la mélancolie ».

L’aventure radiophonique

Avant de devenir la narratrice et la productrice des Odyssées, elle commence comme assistante et travaille sur plusieurs émissions, avec une prédilection pour les sujets qui lui permettent de « rester en commerce » avec son enfance, comme pour ne pas la quitter. Mais c’est bien avec son podcast de France Inter, qui raconte notamment les aventures de Marco Polo, de Martin Luther King, de Calamity Jane ou encore d’Alice Guy, qu’elle trouve la formule parfaite : « Tout ce que j’aimais faire s’est concentré dans Les Odyssées : écriture, recherche, narration, jeu d’actrice… » et puis, quelque part, cette capacité d’enfant à s’étonner du monde. Et n’est-ce pas le point de départ de toute réflexion philosophique ? Alors, comme d’autres capitaines de navire en leur temps, elle monte son expédition et recrute, pour ainsi dire, ses « argonautes » : Fanny Leroy, sa documentaliste, Anne-Sophie Ladonne, Fanny Bohuon et Hélène Bizieau, ses réalisatrices. Elle l’affirme sans ambages, si c’est elle qui prend la lumière et donne de la voix, « la radio est un art collectif ». L’équipage est féminin et, à défaut de moissonner les pierres précieuses de galions espagnols, les aventurières « fabriquent de véritables bijoux radiophoniques », en opérant la « mise en monde » du texte. Direction du jeu, effets sonores, mixage… ce n’est qu’après avoir passé toutes ces étapes que la magie du récit peut opérer. Ce qui est super dans la narration pour les enfants, c’est qu’on peut tout à fait raconter des histoires hyper complexes. Quand j’écris, je ne me dis pas que j’écris pour des enfants, j’écris tout court », nous explique Laure, lassée de la condescendance avec laquelle on considère trop souvent l’intelligence du « public jeunesse », notamment dans l’édition. Elle vient d’ailleurs d’adapter quelques-unes de ses histoires dans un livre, co-édité par France Inter et Les Arènes (voir nos pages « Livres »), qui est lui aussi un succès. Pour l’heure, l’aventure, si elle est déjà riche, ne fait pourtant que commencer. 30 nouvelles histoires doivent sortir cette année et le bateau des Odyssées continue de voguer en suivant les instincts et les appétits d’écriture de Laure, qui est loin d’être rassasiée !