Présenté lors de la Semaine de la critique au Festival de Cannes l’an passé, La Mer au loin, de Saïd Hamich Benlarbi, est l’un des plus beaux films de ce début d’année. Mélancolique et délicat, il offre un rôle d’une puissance rare au prodigieux Ayoub Gretaa.

Et si c’était elle ? Dans La Mer au loin, deuxième long-métrage de Saïd Hamich Benlarbi (déjà remarqué en 2018 avec son premier film prometteur, Retour à Bollène), la Méditerranée s’impose comme l’héroïne principale. Une mer que traverse ici le personnage principal, Nour, originaire du Maroc. Comme bien d’autres immigrés d’Afrique du Nord, il atterrit à Marseille. Si dans un premier temps son quotidien est rythmé par des trafics et de petits larcins, tout va peu à peu changer lorsqu’il rencontre avec Serge, un policier imprévisible mais honnête, et sa femme, la douce Noémie. À leur contact, Nour l’exilé va découvrir que la vie peut prendre des chemins inattendus.

Rarement un film a aussi bien montré le sentiment de déracinement. Ici, le personnage principal évolue, parvient à se sortir de la précarité et à se doter d’une situation, tombe amoureux… Et pourtant, malgré tous ses efforts, il sent que quelque chose ne va pas. Comme si son pays d’origine le rappelait sempiternellement à lui. Dans une ville de Marseille aussi solaire que désincarnée, Saïd Hamich Benlarbi filme un personnage en marge qui n’aura de cesse de faire son apprentissage. À plusieurs moments, son évolution rappelle celle de grands héros romanesques. Tel un Rastignac des temps modernes, Nour se construit peu à peu. Avec La Mer au loin, le romanesque (l’action couvre une période de dix ans, de 1990 à 2000) se mêle habilement à l’intime. Le film, structuré en plusieurs chapitres, se regarde de la même manière qu’un roman de Balzac se dévore.

Pour interpréter son héros partagé entre deux pays, Saïd Hamich Benlarbi a fait appel à un acteur marocain qui crève littéralement l’écran, Ayoub Gretaa. Essentiellement connu pour des rôles dans des séries, le comédien frappe un grand coup avec ce long-métrage, premier d’une carrière qui s’annonce riche. À ses côtés, le reste du casting bénéficie de la présence d’acteurs confirmés dont le talent n’est plus à démontrer, à l’image de Grégoire Colin et d’Anna Mouglalis. Débarrassée de ses atours de femme fatale, l’égérie Chanel est l’une des autres bonnes surprises de ce film. La Mer au loin, un film qui ne prend jamais l’eau. ALF

Au cinéma le 5 février
Réalisation et scénario : Saïd Hamich Benlarbi
Avec : Ayoub Gretaa, Anna Mouglalis, Grégoire Colin…

© Photos : Barney Production – Tarantula – Mont Fleuri Production