Marseille
21 Apr, Monday
14° C
TOP

Camélia Jordana, exquise diva

Incarnant magnifiquement ses origines arabo-andalouses, Camélia Jordana séduit aussi par sa voix subtilement voilée et sensuelle, à la tessiture modulable à souhait. Autrice et compositrice, cette ravissante sirène méditerranéenne nous envoûte actuellement avec un nouveau titre et avec son clip musical à la mise en scène ensorcelante, dans lequel elle affiche un plaisir carnassier. Si Camélia excelle dans son univers musical accompli, elle nous désarme aussi par la subtilité de son jeu d’actrice dans Reine mère, second film de Manele Labidi, où elle exprime toute la difficulté d’exister en France pour une famille d’immigrés d’origine arabe dans les années 1980. Le film est beau et porte haut cette génération armée de courage qui a fini par enrichir la société occidentale de sa culture chaleureuse de partage. À voir absolument en salle dès le 12 mars 2025.

ToutMa : « Win rak » signifie « où es-tu ? » en arabe… Qu’as-tu envie de transmettre à travers cette chanson dans laquelle tu t’exprimes en français, en espagnol et en arabe ?
Camélia Jordana : J’ai la chance d’être issue de plusieurs cultures. Je les avais déjà mises à l’honneur dans de précédents albums, mais curieusement, dans le dernier, je ne chantais qu’en français et ça m’a manqué, car je chante vraiment différemment selon les langues. Alors pour celui-ci, j’étais heureuse de faire résonner cette dimension culturelle. Musicalement, c’est très ludique pour moi, car j’ai la chance d’avoir des timbres de voix différents. La culture arabo-andalouse a toujours été une grande richesse personnelle que j’aime valoriser…

© Photos : Hellena Burchard

TM : Aimes-tu la scène ? Envisages-tu déjà une tournée ?
CJ : Oui, j’aimerais bien et j’y compte bien d’ailleurs mais ce ne sera pas avant la sortie de l’album, bien sûr… Mais j’adore le live et j’ai plein d’idées de mises en scène ! C’est aussi un album que je conçois pour la scène. Je ne sais pas encore où je me produirai. J’envisage des festivals, et peut-être même de chanter devant 20 000 personnes. Ou de m’amuser dans de toutes petites salles de 50 personnes, c’est un exercice que j’aime tout autant…

TM : On va pouvoir t’apprécier à l’écran dans un film émouvant qui dévoile toute la difficulté d’exister et de se construire pour les familles immigrées et notamment pour les femmes. Un thème qui t’est cher ?
CJ : Oui… Et puis, ce que j’ai trouvé de très beau dans les choix de Manele Labidi, c’est que chacun des membres de cette famille s’en sort, justement grâce à la famille elle-même. Dans le cinéma de Manele, il y a toujours la question de l’héritage. Comment hériter de la place qu’on a, de celle qu’on se fait, de celle qu’on nous impose et de celle dont on rêve ? C’est un sujet qui est aussi présent dans mon œuvre de manière générale… C’est une histoire dans laquelle je me suis beaucoup reconnue, tant dans la mère que dans la fille (rires). Et puis, le fait de retrouver mon camarade Sofiane Zermani, avec qui on formait cette famille, c’était vraiment réjouissant ! Au cinéma, on a peu de représentations de familles immigrées dans lesquelles ça se passe bien… surtout dans les années 1980 ! Sofiane incarne un père de famille arabe, doux, tendre, aimant avec sa femme, acceptant aussi le grain de folie qui la caractérise (rires). Et elle aussi se démène de son côté pour que sa famille soit heureuse et s’en sorte.

Photos : © Kazak Productions / Frakas Productions / ARTE France Cinéma, 2024

TM : On a un peu le sentiment que ton personnage a ton caractère… forte et rebelle. Un rôle écrit pour toi ?
CJ : Ah ! merci, c’est gentil, mais non (rires) ! Quand Sofiane m’a parlé de ce film, j’ai vraiment passé le casting pour avoir ce rôle. Je me suis même battue juste pour y accéder. Il a fallu que Manele accepte de me recevoir… Aujourd’hui, je suis très fière d’avoir pu l’interpréter.

TM : Et cette fameuse scène chantée en italien par Sofiane Zermani, rappeur célèbre par ailleurs, absolument magique : il fallait l’imaginer ! Un mot sur la réalisatrice ?
CJ : Manele Labidi a une vraie fantaisie que l’on retrouve d’ailleurs dès son premier film (Un divan à Tunis avec Golshifteh Farahani) et elle a envie de mettre en scène des personnages féminins forts, toujours des rôles magnifiques. Elle aime beaucoup les acteurs et les actrices et le leur montre. C’était beaucoup de travail aussi. C’est ce qui est plaisant. Quand elle tourne, Manele réfléchit beaucoup, tout le temps, et quand elle hésite, elle sort prendre l’air, revient et refait la scène… Et toujours avec cet amour profond pour ses comédiens.

TM : Es-tu exigeante avec les rôles qu’on te propose ?
CJ : Oui, mais comme j’ai la chance d’être souvent leader de mes propres projets, que ce soit ma musique, mes albums, les films que j’essaie de développer, quand je choisis un rôle extérieur qui va me prendre du temps, c’est que, vraiment, ce sont des films en lesquels je crois profondément.

TM : Musique ou cinéma, où va ta préférence ?
CJ : Ça se vaut ! En fait, je suis toujours en train de travailler les deux en même temps, car il y a souvent plein de projets en cours qui se chevauchent.

TM : Que signifient aujourd’hui tes origines varoises ?
CJ : Je suis restée très attachée à La Londe, où je suis née, et j’essaie d’y aller le plus souvent possible, déjà pour voir ma famille. J’aime beaucoup Hyères, c’est un de mes paradis perdus. J’aime aller à la Villa Noailles, surtout en fonction de la programmation, et au Lido Beach près de l’aéroport, un hôtel de charme que j’adore. Et puis à Toulon, j’aime beaucoup aller au Théâtre Liberté et au Châteauvallon. Dans le Sud, je vais également souvent à Marseille… J’y flâne, je visite.

REINE MÈRE
de Manele Labidi en salle le 12 mars

WIN RAK, single

Photo en Une : © Hellena Burchard