
Ben Mazué, le poète de la scène française
À l’occasion de l’avant-première de son cinquième album, « Famille », le chanteur niçois Benjamin Mazué, couronné d’un disque de platine pour son précédent album « Paradis » et lauréat du Prix du Concert de l’Année aux Victoires de la Musique (2022), revient sur l’écriture de ce nouvel opus, sorti le 28 février. À travers quatorze morceaux, il se livre sur sa vie et, bien sûr, sur la famille. Rencontre avec un auteur-compositeur dont la maîtrise des mots n’a d’égale que son talent de mélodiste.
ToutMa : Pourquoi avoir choisi de faire l’avant-première de votre album en le proposant à l’écoute dans différents Mama Shelters, plutôt que sur scène lors d’un showcase ?
Ben Mazué : Vous avez raison, c’est inhabituel ! (Rires) Mais quand on écoute l’album avec des écouteurs, on n’est pas sur le même registre. C’est plus intime, plus précis. Je voulais donner aux gens l’opportunité de découvrir cette dimension-là. En live, on joue sur d’autres ressorts émotionnels.
TM : Après avoir écouté vos nouveaux morceaux, dont Rupture en duo avec Yoa, on pourrait se demander si la musique, pour vous, ce ne serait pas une sorte de journal intime…
BM : Ça l’est. Mais je pense que, globalement, le propos artistique est souvent un journal intime. C’est vrai qu’à chaque fois, quand je travaille sur un nouvel opus, j’essaye de raconter exactement ce qui m’a traversé dans l’intervalle avec l’album précédent. Donc oui, on peut parler de « journal intime », c’est le bon terme. La différence, c’est que le journal intime a pour but premier d’expulser des déséquilibres, des émotions. Il n’a pas vocation à être partagé. Moi, quand je fais une chanson, mon but, c’est qu’elle soit partagée, donc je cherche quand même à parler d’émotions qui sont universelles, partageables. Je ne vais pas aborder des problématiques que je pense être uniquement les miennes. Elles n’intéresseraient personne. Et là, en l’occurrence, cette épreuve de la rupture où la personne quittée est en colère, dans le déni, nous l’avons tous vécue.


TM : Et qu’est-ce qui vous a poussé à collaborer avec Yoa ?
BM : Je l’ai découverte grâce à Chanson triste, que je trouvais vraiment intéressante du point de vue du texte. Il y avait à la fois une maîtrise totale de l’outil vocal et une forme de désespoir amoureux pleinement assumé. Quand j’ai cherché quelqu’un pour interpréter cette chanson de rupture, j’ai trouvé que c’était parfaitement adapté à une personne ayant déjà chanté ce genre de désespoir amoureux assumé.
TM : Dans C’est l’heure, vous évoquez la fuite du temps. C’est un sujet qui vous touche particulièrement ?
BM : Oui, complètement… l’impact du temps sur nos vies, sur ce que nous sommes. C’est quelque chose que l’on retrouve toujours dans ma musique. Il y a long- temps, en 2014, j’avais sorti un album intitulé « 33 ans », dans lequel je faisais des portraits de gens à différentes étapes de leur vie. J’ai aussi écrit une chan- son qui s’appelle 40 ans. J’ai vraiment une relation particulière avec la question de l’âge et du temps, et de ce qu’il nous fait. On a souvent tendance à dire que le temps nous abîme, nous érode, nous use… mais parfois, il nous peaufine, il nous assagit. Par exemple, entre cet album et le précédent, le temps m’a permis de gagner en sérénité, et donc probablement en joie. Finalement, pour moi, le temps est génial, j’ai plus de joie, et je pense que c’est grâce à lui.
TM : Si vous deviez résumer votre nouvel album en trois mots, quels seraient-ils ?
BM : Je dirais qu’il est dense, tourné vers les autres (tant pis, ça fait plus de trois mots !), et sacerdotal. Avec ce cinquième album, j’ai repoussé mes limites, je suis allé au bout de moi-même.
TM : Racontez-nous vos futurs projets !
BM : En ce moment, il y a une comédie musicale intitulée Peau d’Homme, inspirée de la bande dessinée du même nom, qui arrive sur scène à Paris avec Laure Calamy. J’ai eu le plaisir d’en écrire les paroles et la musique. En parallèle, mon album sort le 28 février, accompagné d’une grande tournée qui a déjà commencé et qui nous emmènera un peu partout en France. La tournée est déjà complète pour 2025, et en 2026, on fera la tournée des Zénith. Après, on verra ce que l’avenir nous réserve !

© Photos : Romain Philippon