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Véronique Bigo, la femme aux objets

Véronique Bigo a passé toute son enfance à Lille. Après des études aux Beaux-Arts de Lille puis de Paris, elle obtient une bourse pour partir quatre ans travailler à Rome où elle restera finalement dix-sept ans ! C’est là qu’elle accomplit ses premiers travaux, des toiles représentant les murs de Rome avec des objets architecturaux cassés et pétrifiés qu’elle voit un peu partout dans la cité, puis elle travaille sur des fragments de l’architecture antique. Elle parcourt également de nombreux pays, Mexique, Indonésie, Malte et surtout l’Égypte où les gens étaient enterrés avec leurs objets tant ceux-ci étaient importants pour eux… Ainsi, elle va alors s’intéresser à ses propres objets, des objets plus personnels.

Passionnée par les objets, Véronique en parle comme s’ils étaient vivants : « Nous vivons avec nos objets, ils nous accompagnent tout au long de notre existence, ce sont nos esclaves ou nos maîtres, on les vénère, on les abîme, on les oublie. Il y a des objets utilitaires, des objets sacralisés, des objets de culte ou des objets pour se nourrir… Donc ils ont une vie à eux » confie-t-elle.

Pour peindre ses objets, soit elle travaille par thèmes – l’Annonciation, l’aile et le glaive, le voile… – et la thématique devient alors son moteur de recherche, soit elle retravaille les artistes ou les designers par « morceaux choisis », Rodin, Dufy, Marie Bashkirtseff, Starck, Koons, Man Ray… Il y a l’organique aussi, très important dans son œuvre, avec elle, même les fleurs, les fruits et les légumes deviennent des objets « chargés d’une histoire eux aussi » explique-t-elle. Quelquefois quand on lui propose une exposition, elle s’inspire du lieu. Ainsi quand on lui demande d’exposer à la Méjanes à Aix-en-Provence, elle travaille sur les objets du Marquis de Méjanes : son bureau, sa malle de voyage, ses livres, sa plume… Elle nous raconte alors l’histoire de cet « ambassadeur » de Provence avant la Révolution : « J’aime me raconter des histoires sur les gens, les accessoires qu’ils ont pu porter, les choses qu’ils ont aimées ». Quand elle peint le sac d’une femme – comme passé au scanner de contrôle d’un aéroport -, on cherche à découvrir une personnalité à travers les objets intimes de sa propriétaire.

Après Rome, elle rentre à Paris où elle va enseigner notamment à l’École d’Architecture de La Villette, mais très vite la lumière lui manque et elle vient s’installer à Marseille, dès 1995 : « J’aimais cette ville comme tout le monde pour son port, pour la mer, pour le soleil, mais aussi et surtout parce que c’est une ville cassée » dit-elle. Hélas, l’accueil réservé à cette « Parisienne » n’est pas très chaleureux… Au bout de deux ans, elle décide de retourner à Paris tout en gardant un pied-à-terre à Marseille. Elle est aujourd’hui revenue complètement dans notre ville puisqu’elle y a son atelier. C’est donc une artiste pleinement « Marseillaise » qui nous propose tout l’automne une exposition labellisée MP 2013 au Silo, dans la monumentale « salle des mamelles », un lieu de musique, un espace gigantesque où elle présente une quarantaine de peintures et dessins, certains ayant trait au lieu, d’autres faisant partie d’une rétrospective. La collection de produits signés V.BIGO pour la boutique YAD à Marseille sera également dévoilée à cette occasion. Enfin, avant la fin de l’exposition, le 5 décembre, les tableaux seront vendus aux enchères par l’étude Leclere.

La technique est souvent la même : sur une toile de lin avec de l’acrylique, Véronique peint en noir avec quelques lignes de couleur vive et toujours des tâches volontaires pour marquer une émotion, le plaisir ou la rage, symbole de la vie ou de la mort. Il y a beaucoup de tension quand elle peint, car elle sait qu’elle ne peut ni effacer ni enlever, il faut « faire juste », elle n’a pas droit à l’erreur. Pourtant c’est un travail minutieux, raffiné, délicat. On est dans le détail. C’est parce qu’il y a une narration : Véronique nous raconte des histoires avec ces objets. Et il y a plusieurs lectures d’un tableau, au départ c’est la représentation d’un sac ou d’une chaussure, mais après il y a toujours différentes interprétations… On peut s’amuser, on peut réfléchir, analyser, chacun fait ce qu’il veut et, comme le disait Marcel Duchamp : « C’est le regardeur qui fait l’œuvre ».

Et quand Véronique ne nous raconte pas une histoire, elle se pose des questions. Pourquoi sommes-nous esclaves, à notre époque de la télé, du téléphone portable, de l’ordinateur, de la mode ? Qu’est-ce que ça veut dire d’acheter un faux sac Hermès ? La bouteille de Coca présente partout sur la planète n’est-elle pas l’archéologie du futur ? Que signifieront les objets que nous utilisons aujourd’hui pour les générations à venir ? Car tout en travaillant sur les objets, cette belle artiste nous parle surtout d’un grand sujet : le temps qui passe.

Véronique Bigo, la voleuse d’objets
Pour tout savoir _www.bigoveronique.com

Le Silo _Salle des Mamelles _35 quai du Lazaret, Marseille 3ème _www.silo-marseille.fr
Jusqu’au 23 décembre, entrée libre. Les mardis de 9h à 17h et les soirs de spectacle ou sur demande au 04 91 90 00 00
YAD _www.you-art-different.com
Leclere _www.leclere-mdv.com