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Zita Hanrot, quand l’actrice se réalise…

La jeune femme qui entre dans le bistrot et vient à ma rencontre rayonne visiblement. Elle souligne illico sa nouvelle coupe de cheveux d’un joli mouvement de tête, un carré plus léger et quelques mèches éclaircies qui lui donnent l’air très jeune. À 29 ans, Zita Hanrot n’est pas encore célèbre mais ne tardera pas à l’être. Elle est entrée dans nos vies de cinéphiles il y a tout juste deux ans, avec Fatima, film intimiste de Philippe Faucon qui lui valut d’être nominée pour le César du meilleur espoir féminin en 2016 et de le remporter. Fatima avait d’ailleurs obtenu aussi le César du meilleur film. 

En février dernier est sorti La Fête est finie de Marie Garel-Weiss, une forte histoire d’amitié sur fond de rehab’ et de retour à la vie, film dans lequel on découvre une Zita lumineuse. Aujourd’hui, la remarquable comédienne originaire de Marseille est à l’affiche de Carnivores, un thriller saisissant, affiche qu’elle partage avec l’admirable Leïla Bekhti. 

Mais Zita ne s’arrête pas là, vous n’aurez de cesse de la voir sur les écrans de cinéma cette année… Une année qui semble bien être celle de sa confirmation en tant qu’actrice française de premier plan.

ToutMa : Entre l’aventure Fatima et celle du film Carnivores qui vient de sortir en salles, que s’est-il passé dans ta vie de jeune comédienne césarisée ?

CARNIVORES
de Jérémie et Yannick Renier
En salles depuis le 28 mars

Zita Hanrot : Le César a été évidemment déterminant dans les rencontres qui ont suivi. Yannick et Jérémie Renier m’ont tout de suite contactée pour Carnivores. Le tournage a débuté dès le mois de mai 2016, même si le film ne sort qu’aujourd’hui. Ensuite il y a eu K.O. de Fabrice Gobert, un thriller dans lequel j’ai un petit rôle aux côtés de Laurent Lafitte… acteur avec lequel je joue à nouveau dans Paul Sanchez est revenu ! (sortie le 23 mai 2018).

Et puis là, je viens de prêter ma voix et mon physique à un personnage virtuel pour un film d’animation* créé par Zabou Breitman, avec Swann Arlaud d’ailleurs, César du meilleur espoir masculin la même année que moi !
C’est très marrant comme truc à faire (rires). Et enfin, je viens de finir le tournage de L’Ordre des médecins sous la direction de David Roux et mon partenaire dans ce film n’est autre que… Jérémie Renier !

TM : Carnivores est un thriller très noir, violent par moments, psychologiquement troublant… Comment assimile-t-on un rôle pareil, mi-ange, mi-démon ?

ZH : Jérémie, Yannick et Leïla m’ont beaucoup appris sur le travail d’acteur mais également humainement. Il y avait énormément de bienveillance dans leur attitude, leur regard, une véritable affection. Pour nos personnages, Leïla et moi avions de vrais rôles de composition. Une direction d’acteurs était plus que nécessaire et nous avons donc travaillé en quatuor. Et pour moi, ce sont des gens équilibrés et hyper doués. Cette ambiance m’a obligée à me surpasser mais toujours dans une ambiance saine et sereine.

TM : Sans vouloir spoiler le film, Leïla Bekhti et toi développez une ressemblance physique déroutante tout au long de l’histoire. Presque des jumelles selon les plans. C’est voulu dans le scénario ?

ZH : Oui, c’est ce qu’ont voulu raconter les réalisateurs. Et pourquoi, avec autant de similitudes, l’une réussit et l’autre pas, alors qu’elles ont la même photogénie, la même volonté d’exister en tant qu’actrices ? En somme, c’est aussi dire la réalité de ce métier, souvent injuste… Moi je vois cette histoire comme une espèce de fable. Pas seulement sur cette profession mais aussi sur la famille, avec ses secrets, ses non-dits, ses fragilités qui parfois sont exacerbés par une situation inédite et qui la fait basculer dans la tragédie.

TM : Autre singularité de ce film, il est coproduit par les frères Dardenne, autre tandem fraternel du cinéma, réalisé par les deux frères Renier et les personnages centraux sont deux sœurs… Anecdotique ?

ZH : Oui, (rires) c’est curieux, les gens le remarquent. Évidemment qu’il y a toujours une part de soi quand on réalise un film ; les frères Renier ne sont pas jumeaux, ils n’ont d’ailleurs pas la même mère. Ce sont néanmoins des frères qui s’entendent, qui se ressemblent aussi. Mais je n’ai pas voulu rentrer dans l’intimité des réalisateurs. Le scénario, déjà très intime, me suffisait…

TM : Oui… Indiscutablement, ils signent ici un film très fort, en interprétation et en intensité. Cela a-t-il été difficile pour toi ?

ZH : Oui… j’avais peur de jouer le personnage de Sam au début. J’ai dû puiser dans ce que j’ai de mauvais au fond de moi pour pouvoir l’interpréter. Elle veut vivre trop fort. Et moi je ne me voyais pas du tout capable de jouer ça. D’ailleurs, au casting, je l’ai confié à Yannick et Jérémie et ils en ont ri ! Ils m’ont dit : « Mais c’est pour ça qu’on t’a choisie » (rires)… Le travail en duo avec Leïla a été intéressant aussi. On construisait chacune notre personnage en fonction de l’autre !

TM : Comment vis-tu ton métier d’actrice aujourd’hui ? Aimes-tu te voir à l’écran ?

TM : Oui, je suis heureuse dans ce métier, je prends du plaisir à le faire mais après, j’ai surtout très envie d’être réalisatrice. Je trouve que construire un projet qu’on porte en soi et le raconter est un aboutissement. J’aimerais bien filmer les autres aussi… Et me voir à l’écran, écoute, non… (rire gêné) c’est dur de se voir car comme c’est quelque chose qui est fini, on ne peut plus intervenir dessus. Et c’est assez frustrant et plutôt violent à chaque fois. Pendant plusieurs jours après m’être vue, je cogite et je me dis : « Mince, j’aurais dû faire la scène autrement… » Bref, beaucoup d’acteurs réagissent comme ça d’ailleurs. En fait, depuis mes 18 ans et mes débuts au théâtre, j’ai déjà des envies de mise en scène. Et aujourd’hui, que ce soit au cinéma ou au théâtre, c’est vraiment ce qui m’attire le plus.

* Les Hirondelles de Kaboul adapté du roman éponyme de Yasmina Khadra

Photos _Arno Lam / Charlete Studio