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Picasso sur les murs de Marseille, itinéraire d’un voyage intérieur

Mettre en valeur la richesse des liens unissant Picasso à la Grande Bleue… tel est l’objectif que s’est fixé le projet scientifique « Picasso-Méditerranée 2017/2019 » (www.picasso-mediterranee.org), porté par le musée national Picasso-Paris, dans le cadre duquel plus de 45 manifestations culturelles auront lieu, mobilisant 70 institutions à travers le monde. Les « Voyages imaginaires », que nous vous invitons à découvrir au Mucem et à la Vieille Charité de Marseille, en constituent une étape majeure. Reportage. 

Du 16 février au 24 juin prochain, s’étalent sur les murs des grands musées de Marseille les tribulations intérieures d’un des plus grands artistes des temps modernes. L’exposition « Voyages imaginaires » se veut une approche à la fois globale et synthétique de l’œuvre de Pablo Picasso (1881-1973) à travers la thématique du voyage, centrale dans son œuvre, bien que se présentant sous des aspects particuliers. Il est en effet à tout le moins paradoxal que le voyage puisse constituer le fil d’Ariane de l’œuvre d’un artiste qui a lui-même peu voyagé et dont on dit que c’était loin d’être l’activité favorite.

Pourtant, cette thématique n’en est pas moins bien choisie, puisqu’elle a trait en réalité au voyage intérieur de l’homme : voyage autour du monde, voyage dans les méandres des formes de l’art contemporain… autant de sources d’inspiration et de ruptures dans les styles et les caractéristiques de l’œuvre de cet andalou d’origine dont la création, en perpétuelle évolution, témoigne d’un questionnement permanent et d’une recherche de la meilleure représentation possible du corps. La scénographie proposée par étienne Lefrançois et Emmanuelle Garcia invite donc au voyage, tant géographique qu’artistique, autour de cinq itinéraires : « Bohème bleue », « Afrique fantôme », « Amour antique », « Soleil noir » et « Orient rêvé ». Mégalomane, Picasso voulait révolutionner l’art et la peinture de son siècle : pari gagné. 

Homme qui n’aimait ni l’avion ni le bateau, et dont les voyages se limitaient à l’Europe et à la rive nord de la Méditerranée, Picasso demeure cet artiste d’avant-garde qui a très tôt montré son ouverture aux formes d’art extra-occidentales… sans jamais avoir quitté l’Occident. Ce sont ses amis, artistes ou écrivains, qui lui donnent accès à ce monde, au travers de récits, d’histoires, et de nombreuses cartes postales qui l’inspirent. Ainsi, il doit à Braque et à la découverte des arts primitifs africains son virage cubiste, cherchant à réduire les visages à des formes géométriques, à l’image des masques africains qu’il a dénichés avec son ami dans une boutique marseillaise qui importait alors des objets coloniaux. De son ami et inspirateur Matisse, rencontré sur les rives de la Côte d’Azur, il retiendra la découverte de l’Orient, qu’il cherchera à représenter de manière avant-gardiste, réaliste et brute, érotique quoiqu’aux antipodes de l’exotisme orientaliste, à l’image de ses Femmes d’Alger, d’après Delacroix. Après un séjour en Italie, il cherchera à confronter la géométrie cubiste aux formes classiques de la Renaissance. Enfin, sa rencontre avec le monde des arts populaires et du théâtre, à l’occasion de sa collaboration avec Diaghilev comme scénographe et costumier des Ballets Russes, va provoquer une profonde réflexion chez Picasso sur la représentation du corps et sur sa manière d’occuper l’espace.

Pléthoriques et riches, ces « voyages imaginaires » s’effectuèrent pourtant essentiellement depuis les rives de la Méditerranée, où l’artiste trouvait refuge et inspiration, au gré de ses rencontres qui débouchèrent souvent sur des amitiés fécondes, au gré aussi des villes qu’il traversait pour s’y établir un temps (Sorgues, Vallauris), et de sa tumultueuse vie amoureuse. Peut-être était-ce aussi le fait d’un impérieux désir de ne point s’éloigner de ses origines espagnoles, dont les manifestations épisodiques tout au long de son œuvre témoignent d’un rapport complexe à ses racines.

Picasso Voyages Imaginaires jusqu’au 24 juin 2018

Centre de la Vieille Charité
2 rue de la Charité, Marseille 2ème
tous les jours 10h / 18h sauf le lundi

Mucem
7 promenade Robert Laffont, Marseille 2ème
tous les jours 11h / 18h sauf le mardi
_http://musees.marseille.fr 

TEXTE _Romain Bony-Cisternes