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Marc Pietri "Face à la mer"

Le 10 octobre, l’ouverture très attendue des Docks a eu lieu. À l’origine de ce projet, Marc Pietri, un bâtisseur de renommée internationale, à la tête de Constructa, contribue intensément au développement urbain de Marseille, sa ville natale. Originaire du quartier d’Endoume, voilà un homme qui connaît très bien la ville et son potentiel.

ToutMa : Pourquoi avoir précisément choisi les Docks, friches industrielles originales, pour les transformer en centre dit « de vie » ?

Marc Pietri : Parce que le bâtiment des Docks est emblématique, empreint de mystère et de spiritualité. Il faut savoir qu’il est traversé par une allée de 365 mètres comme les jours de l’année, qu’il y a 4 cours comme les saisons, 7 étages comme les jours de la semaine et 52 portes comme les semaines de l’année. Les architectes de l’époque y ont mis plus que de l’architecture. Ce bâtiment est porté par un esprit. De plus, il est situé au centre géométrique d’Euroméditerranée, du nouveau Marseille, sans être opposé à l’ancien mais plutôt une expansion dans la modernité. Sans l’avoir voulu, tout tourne autour du lui… le port, les Terrasses du Port, etc. Depuis 1995, il a été décidé de rendre la mer aux Marseillais, programme du Maire de la ville, Jean-Claude Gaudin. Marseille a été construite autrefois avec une trame nord-sud qui tournait le dos à la mer. Les Docks ont été dès lors un des premiers exemples d’ouverture sur l’eau. La première réhabilitation a été faite de façon remarquable par la Générale des Eaux. Nous l’avons acquise en 2010. C’est un acte de foi de notre part dans cette politique de reconquête des quartiers dit sensibles et de réouverture de Marseille sur la mer.

 

TM : Le chantier fut spectaculaire. Alfonso Femia en est l’architecte : est-ce vous seul qui l’avez choisi ? Quels ont été ses points forts ? Que pensez-vous du résultat final ?

MP : Il y a eu un appel à projet pour lequel Alfonso Femia a été lauréat car il avait déjà réalisé des projets presque similaires en Italie. C’est un architecte qui traite aussi bien les détails que l’essentiel. Il a tout réalisé avec des artisans de grande qualité. C’est un beau travail collectif sous l’égide d’Alfonso et de son talent. Le chantier a été aussi extrordinaire de trouvailles. Les Docks sont un cours d’architecture et de technique à eux seuls. On a eu beaucoup de chance car on est tombé sur des caves voûtées qui n’avaient jamais été utilisées. Deux d’entre elles seront exploitées : une dédiée à la mer, l’autre à l’environnement. Elles sont tout de même ouvertes vers l’extérieur. Le lieu de vie est un lieu où il faut voir et être vu et mesurer qui on est dans le regard des autres. On est attiré par des lieux où l’on va rencontrer des gens différents.

 

TM : L’offre commerçante va être très concentrée à la Joliette avec l’énorme shopping mall des Terrasses à vos côtés. Quelle sera la vôtre ?

MP : Notre offre commerciale est en rupture avec la leur. Il ne s’agit pas de mettre dans les Docks toutes les grandes marques qu’il y a partout ailleurs. Il faut qu’il y ait, pour ce quartier d’Euroméditerranée, un véritable centre-ville, un endroit où l’on se donne rendez-vous. Les Voûtes de la Major et le quartier du MuCEM ont déjà reconstitué leur espace public. Nous, ce que nous voulons, c’est une place de village avec des commerçants indépendants qui revendiquent une identité, un offre diversifiée avec des services, un centre médical, des coiffeurs, des bistrots… Ce lieu de vie est fait pour répondre aux besoins des 25 000 personnes qui travaillent dans ce périmètre. Les Docks doivent humaniser ce quartier, lui rendre son âme. Par exemple, plutôt qu’une grande enseigne alimentaire, nous aurons notre marché avec une douzaine de commerçants locaux… On a essayé de cristalliser les besoins des habitants avec une offre qui doit rester abordable. Et on va tenter d’avoir une animation à la fois culturelle et sociale pour que tout le monde se sente impliqué. Il y a de la place pour toutes les offres possibles dans ce secteur, il y a une telle vitalité ! Nous sommes complémentaires aux Terrasses du Port mais surtout, nous souhaitons que les Terrasses marchent ! On y a tous intérêt !

 

TM : Vous avez réalisé auparavant de nombreux programmes immobiliers et urbains d’envergure, des centres commerciaux, des hôtels mais aussi des tours, notamment à Miami et à NYC. Un exploit pour un Français paraît-il ! À Marseille, vous avez également un projet ex-nihilo sur les quais d’Arenc…

MP : Il y aura trois tours : celle de Jean Nouvel destinée à des bureaux, les travaux ont d’ailleurs démarré, 38 000 m2 loués à 80 %. Jean-Baptiste Pietri, mon fils, qui a conçu la fameuse H 99, totalement résidentielle, a vu son démarrage un peu décalé à cause de la crise financière, et puis on ne peut pas tout faire en même temps ! La tour d’Yves Lion sera consacrée à l’hôtellerie. Et un immeuble linéaire, plus horizontal sera réalisé par Roland Carta, pour raccrocher les tours à la réalité. Son immeuble de transition nous ramène au port, nous fixe au sol…

 

TM : Avez-vous eu la volonté de réaliser quelque chose de pérenne ici parce que c’est la ville de votre jeunesse ? Avez-vous envie d’y laisser une empreinte durable ?

MP : Une empreinte non… En revanche, essayer de voir comment je peux modestement améliorer le cadre de vie dans lequel je suis heureux en famille et personnellement, oui. Ce n’est pas seulement une question d’empreinte. J’essaie de m’améliorer globalement, grâce à mon fils, l’architecte, qui m’a donné le goût du beau. Je n’ai pas toujours fait de belles choses, notamment à mes débuts. Aujourd’hui, j’essaie surtout de prendre conscience de mes responsabilités. Je ne cherche pas la plaque « Marc Pietri » mais la responsabilité du promoteur.