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Madame Claude

Madame Claude, c’est l’histoire réelle mais romancée pour les besoins du film, de Fernande Grudet (alias Madame Claude), proxénète de luxe sous les mandats de Charles de Gaulle et de George Pompidou, qui développe son luxuriant business de tapin 5 étoiles entre soirées de débauche chez Castel, grand banditisme à Pigalle et incursions diplomatiques dans les bureaux des RG… Sur le papier, on a tous les ingrédients d’un film racoleur à souhait. Mais dans les faits et sur la pellicule, il n’en est rien. On ne va pas verser dans l’essentialisme identitaire, mais pour une fois, cette histoire qui a connu bien des mises en récit, nous est racontée par une réalisatriceSylvie Verheyde (associée à l’écriture à Patrick Rocher et Antoine Salomé), et ça change un peu la donne. Déjà parce qu’en tant que spectateur, on est invité à adopter le point de vue des « filles » (qui d’ailleurs sont parfois des garçons) et de la maquerelle, bien plutôt que celui de tous les flics, clients et autres bandits qui tournent autour de cet empire du sexe à la fois triomphant et précaire. Le film, qui peut s’enorgueillir d’un casting impeccable, offre de ce fait une galerie de personnages secondaires très justes, dans laquelle on retrouve avec plaisir nos acteurs sudistes fétiches : Hafsia HerziDjanis Bouzyani et Mylène Jampanoï. Les rôles principaux ne sont d’ailleurs pas en reste, Karole Rocher et Garance Marillier servant avec un jeu remarquable les ambivalences douloureuses de leur personnage. En toile de fond, la reconstitution de l’époque, de la musique aux décors en passant par les costumes, les DS de rigueur et le tabagisme passif (on en tousserait presque), est tout ce qu’il y a de plus immersif et c’est peut-être ce qui fait la grande réussite du film. Non pas que l’on soit dans un long métrage historique, quoiqu’il soit bien documenté, mais la précision avec laquelle est reproduit le contexte donne à l’ensemble tout son poids tragique. On est incontestablement dans les Seventies, mais le propos du film sur l’organisation patriarcale de la société (il n’y a en vérité d’échappatoire ni pour Fernande Grudet ni pour Madame Claude) et ses partis pris de mise en scène sont on ne peut plus actuels. C’est cette mise en perspective sur un temps long qui fait toute la singularité et la pertinence de Madame Claude, au-delà de ses petits défauts (de rythme) et de qualités de jeu et de mise en scène indéniables. 

Disponible sur Netflix 

 

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