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Le RAVISSEMENT avec Hafsia Herzi, actuellement en salle

Pour son premier long métrage, Iris Kaltenbäck réalise un coup de maître. On a rarement vu un galop d’essai cinématographie aussi juste à tous les égards. L’histoire relève du fait divers, un drame comme il en existe beaucoup et qui, s’il n’était pas fictionnel, aurait toute sa place sur France Inter, dans un épisode d’Affaires Sensibles. Lydia, incarnée à la perfection par une Hafsia Herzi qu’on croyait déjà au sommet de son art, mais qui trouve le moyen de nous surprendre à chaque nouveau film, est une sage-femme dévouée qui vit son existence en miroir avec sa meilleure amie, Salomé (interprétée par Nina Meurisse, dans un rôle plus en retrait mais d’une sensibilité infinie). Partageant une dose de bonheur pour deux, quand l’une va bien, l’autre va mal. Et cet équilibre, bien précaire, bascule quand Lydia, écrasée par une vie de solitude, sans amour aucun, accouche Salomé, qui vit alors le plus beau jour de sa vie. Dans un moment de folie qu’on ne s’explique pas, mais que l’empathie dont le bon cinéma sait se faire le vecteur nous fait comprendre, elle fait croire à un amant d’un soir qu’elle est la mère de l’enfant… et lui le père. De plus en plus investie dans la vie de la petite Esmée (littéralement « qui est aimée »), Lydia se prend au piège de son propre mensonge, jusqu’à commettre l’impardonnable. Et ce n’est pas un spoil ! Outre que le titre, à double sens, nous fait vite comprendre la menace qui plane sur l’enfant, la voix off d’Alexis Manenti (qui incarne par ailleurs le « faux père » et que l’on est ravi de voir dans un rôle moins brutal qu’à l’accoutumé) joue avec le spectateur, en glissant des prolepses qui font varier le suspense et la tension à la perfection. Même si l’on n’est pas amateur du principe, souvent trop académique, du commentaire hors champ, c’est dans ce cas précis tout à fait justifié. Sans, notre implication de spectateur serait bien moindre : on devine ce qui va se passer, on ne sait pas comment le drame va advenir, on est surpris de la tournure qu’il prend et, réflexion faite, on doit bien l’admettre, l’enchaînement des événements conserve une logique implacable. C’est ce qu’on appelle un travail d’écriture magistral. On est agréablement surpris, aussi, de voir des accouchements à l’écran, fait si rare au cinéma et pourtant si… fondamental. La photographie est impeccable, les scènes d’errance nocturnes notamment sont superbes, et les dialogues, paradoxalement souvent drôles, font mouche à tous les coups. Iris Kaltenbäck nous livre un film sans tabou sur la maternité, avec sa lumière et sa part sombre, à la fois dur et tendre, que vous ne devez manquer sous aucun prétexte ! CBé

Un film écrit et réalisé par Iris Kaltenbäck
Avec : Hafsia Herzi, Alexis Manenti, Nina Meurisse  
Musique d’Alexandre de la Baume
1h37