
La Carmen féministe d’Abou Lagraa
Rendez-vous au Grand Théâtre pour une version dansée flamboyante de Carmen, symbole d’insolence et de sensualité, et par-dessus tout, ode à la liberté. Le chorégraphe Abou Lagraa s’est emparé de l’histoire qu’il retranscrit aux confluences de l’Orient et de l’Occident, son positionnement artistique de prédilection.
ToutMa : Une Carmen née en Tunisie… Racontez-nous !
Abou Lagraa : C’est d’abord le Ballet de l’Opéra de Tunis, donc dans un pays musulman avec des danseurs, hommes et femmes, qui se touchent de manière très sensuelle. Ici, cela nous paraît complètement évident, mais c’est une vraie révolution dans un pays musulman.
La première a eu lieu là-bas et je craignais un peu la réaction du public, mais c’était formidable de voir à quel point les gens étaient fiers, ils ont adhéré, c’était magnifique, car le message est multiple : on parle de féminisme, de tolérance et d’ouverture d’esprit.
TM : 150 ans après la création de Carmen, c’est un message toujours aussi prégnant…
AL : Pour moi, cette Carmen représente la liberté avant tout. D’ailleurs, qu’on soit en France ou en Tunisie, Carmen incarne ce qu’on aimerait tous être, cette femme libre qui fait ce qu’elle veut de sa vie, et cette arrogance de l’assumer. Pour moi, on est tous Carmen, les hommes et les femmes, mais pas dans le sens dramaturgique de l’histoire, dans la représentation de cette liberté. Carmen est un conte philosophique, et en même temps, un ballet très populaire, un tube mondial !
TM : Vous avez eu l’audace d’en modifier le dénouement.
AL : Je ne tue pas Carmen à la fin, parce qu’on est quand même en 2025, et je suis un féministe ! Je ne vois pas pourquoi un homme tuerait une femme parce qu’il est jaloux, donc j’ai décidé de ne pas la tuer, en hommage et par respect pour les femmes. Je me suis permis cette liberté d’artiste que je revendique, l’histoire est belle, mais j’ai décidé que Carmen avait le droit de s’émanciper, exactement comme pour la tauromachie : j’ai éliminé le toréador, on ne tue pas le taureau !


Carmen d’Abou Lagraa
Le 4 février au Grand Théâtre de Provence
© Photos : Théâtre de l’Opéra de Tunis