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 FABIEN FERRÉ, la nouvelle coqueluche des chefs français

Impossible n’est pas français ! À 35 ans seulement, Fabien Ferré atteint les sommets de la gastronomie en décrochant non pas une, mais trois étoiles d’un seul coup au prestigieux guide Michelin, devenant ainsi l’un des plus jeunes chefs français à recevoir cette distinction exceptionnelle ! Une nouvelle aussi remarquable méritait bien la balade jusqu’à l’hôtel du Castellet pour rencontrer ce beau prodige des fourneaux…

ToutMa : Fabien, je ne vous cache pas l’émotion de notre rédaction à l’annonce de votre couronnement par le guide Michelin. Sacrée performance ! Quelle a été votre première réaction ?
Fabien Ferré : J’ai pris comme un gros uppercut en pleine face ! On n’était pas forcément préparé à ça, d’autant qu’on jouait un peu un rôle d’outsider. On s’est vu retirer les trois étoiles en 2023 et personne n’aurait imaginé qu’aujourd’hui, on serait de nouveau auréolés de ces trois étoiles. Donc, plusieurs sentiments s’emparent de moi. Il y a de la joie, de l’euphorie… C’est un vrai chamboulement !

TM : Après dix ans passés dans ses cuisines aux côtés du talentueux Christophe Bacquié, quelles sont les trois choses les plus importantes que vous retenez de son enseignement ?
FF : L’amour du produit, la rigueur au travail, et l’amour du travail bien fait ! Sans oublier cette persévérance qu’il incarne. Je pense que je me suis un peu greffé sur ça… Ce sont de belles valeurs qu’il m’a inculquées, comme le dépassement de soi.

TM : Avez-vous le sentiment d’être devenu calife à place du calife ?
FF : Je ne dirais pas ça. Déjà, il faut rester humble dans ces moments-là, c’est extrêmement important, et garder la tête froide. Aujourd’hui, je ne dirais pas que l’élève a dépassé le maître, mais que le maître a très bien formé l’élève. Christophe et Alexandra avaient un projet personnel*. Et mon nom, pour lui, avec l’accompagnement qu’on a partagé, était une suite logique. J’avais aussi le besoin de voler de mes propres ailes. J’étais prêt pour ça. Mais vous dire que j’étais prêt à avoir trois étoiles huit mois après… Je ne sais pas, mais en tout cas, j’avais à cœur de pouvoir m’exprimer, avec mes équipes, de pouvoir proposer ma cuisine.

TM : Comment devient-on « Fabien Ferré » ?
FF : Je ne pense pas qu’on devienne « Fabien Ferré » à proprement parler (rires). Mais pour s’épanouir et obtenir ce genre de reconnaissance, déjà, il faut être passionné. C’est fondamental. Sans ça, on ne peut pas réussir à ce niveau-là. Je me suis formé auprès des plus grands, Christophe Bacquié mais aussi Michel Troisgros, et j’ai su absorber toutes leurs valeurs. Mais après, il faut être soi-même. Et je trouve que le message que l’on a renvoyé de cette très belle transmission est juste magnifique, et que l’impossible est parfois possible. En fait, il ne faut pas devenir « Fabien Ferré » ! (rires).

TM : Quelle est votre définition de la gastronomie ?
FF : Ça, c’est une bonne question ! (rires) Est-ce que la gastronomie, c’est quelqu’un qui va cuire son homard le matin dans de l’eau, qui va le garder au frigo, le tailler en huit, puis le garnir de dix mille fleurs pour en faire une recette de type gastronomique ou est-ce que c’est quelqu’un qui va prendre son homard et le couper en deux pour le faire griller sur la braise et le déguster ? Moi, je crois que la gastronomie, c’est juste de l’instinct et de la passion. Il ne faut pas tricher. C’est une cuisine qui vient du cœur. Il faut que ce soit sincère. Ce qui m’intéresse, c’est la profondeur. La cuisine doit être lisible. Il ne faut pas que le consommateur réfléchisse trop. Quand je fais du fenouil, c’est du fenouil. Et d’ailleurs le guide Michelin l’a relevé, ils ont dit que j’avais parfois des assiettes un peu trop simplistes, mais qu’en revanche, derrière, il se passait quelque chose…

TM : Selon vous, quelle création culinaire vous identifie le plus ?
FF : Je n’aime pas parler de « plat signature » parce que, encore une fois, je trouve cela prétentieux, et je ne le suis pas. Mais je crois que s’il y avait un plat aujourd’hui que l’on n’a pas vu partout et que l’on pourrait m’attribuer, ce serait mon encornet à la provençale. D’emblée, on est identifié « Provence ». On se soucie de sourcer un encornet de Méditerranée. Ensuite, j’ai pris le parti de ne pas mettre de garnitures. C’est un plat que je trouve plutôt intelligent, et je peux le proposer tout au long de l’année. On y accorde alors une cuisson assez juste, avec un jus percutant. Aujourd’hui, c’est ce qui pourrait me définir, un bon produit, une belle cuisson et un bon jus. Terminé. Faut-il encore aimer l’encornet… (rires)

TM : Et en toute simplicité, c’est quoi VOTRE plat réconfortant, votre péché mignon ?
FF : Il y en a plein. Mais le riz au lait déjà, est imbattable ! (rires) Je l’adore avec une touche de caramel. Et après, quelque chose de très simple, qui rappelle l’enfance, un très bon poulet rôti avec une peau bien croustillante et des petites pommes de terre autour… Sans oublier le jus un peu « grassouillet ». Voilà ! Moi, je suis content. Il ne faut pas faire compliqué.

TM : Maintenant que vous êtes au sommet, comment voyez-vous l’avenir ?
FF : Je ne sais pas si je suis au sommet. Oui, effectivement, il y a trois étoiles. On peut se dire que nous avons touché le Graal, mais je pense que le plus dur commence. Déjà, il va falloir prouver indirectement à la « France entière » que c’était mérité, que si on s’est vu décerner trois étoiles, c’est parce que c’était légitime.

TM : Si vous aviez un conseil à donner aux jeunes chefs en devenir, quel serait-il ?
FF : La vie est remplie d’échecs, mais ce n’est pas parce qu’on en connaît qu’il faut baisser les bras. Il faut faire preuve de ténacité et de persévérance. Encore une fois, l’impossible est possible. Il faut juste croire en ses rêves et faire avec beaucoup d’amour et de passion. Et avec tous ces ingrédients, on peut faire de belles choses. Aujourd’hui, tout le monde est capable de tout, mais cela demande quand même un peu de travail… tout ne vient pas du ciel !

HÔTEL & SPA DU CASTELLET *****
3001 route des Hauts du Camp, Le Castellet
www.hotelducastellet.net

* Le chef Christophe Bacquié a ouvert une maison d’hôtes et table gastronomique dans le Luberon à Bonnieux, le mas Les Eydins, récompensé de deux étoiles au guide Michelin.

Photos : © Emmanuel Bournot