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Claire Raphael & Véronique Arbué, deux filles en aiguilles

Maîtres Artisans d’art brodeuses plisseuses

En doutiez-vous, Marseille est une ville qui cache des gens aux savoir-faire exceptionnels. Des céramistes, des tailleurs, des couturiers et tant d’autres métiers où le talent, la passion et la maîtrise de techniques quelquefois ancestrales se conjuguent au quotidien dans de petites échoppes devant lesquelles nous ne prêtons au mieux qu’une attention distraite. Au 2 rue de la Bibliothèque, c’est celle de Claire Raphael (Maître Artisan brodeuse « guidé main ») et de sa sœur Véronique Arbué (brodeuse « Cornely » et, espérons-le, également bientôt Maître Artisan, elle y travaille !).

Depuis ce petit atelier, aux antiques mais extraordinaires machines, toutes deux travaillent avec l’opéra de Genève, font des prouesses pour de grandes maisons de couture et sont membres du prestigieux GroupMain, club très privé des meilleurs artisans brodeurs, passementiers ou dentelliers de France. Mais elles brodent aussi, à la rentrée des classes pour les écoles du quartier, des prénoms d’écoliers. Ou bien des trousseaux pour jeunes mariées. Ou encore de jolies broderies sur les bougnettes de la belle chemise de Monsieur… C’est cela être artisan : exercer son art au quotidien pour tous, petits ou grands, riches ou moins fortunés. Vous avez un peu de temps ? Alors poussons ensemble la porte des « Filles d’Hortensia » pour rencontrer Claire (Véronique était sur un gros chantier ce jour-là) nous raconter (broder ?) la suite… Et quand on sait que la sainte patronne des brodeurs s’appelle Claire, tout s’éclaire !

 

1922, 2014… Une tante, une marraine, une mère et deux sœurs

L’atelier dans lequel nous sommes ma sœur et moi date de 1922. C’était l’atelier de  notre « Tante Fine », Joséphine Pulverail, une femme fabuleuse, très moderne pour son temps qui a racheté cette entreprise qui faisait du repassage. Elle est venue dans son atelier jusqu’à 102 ans ! C’est elle qui a acheté ces machines à plisser que j’adore.

Cette entreprise a par la suite été reprise par ma mère, Hortensia. Et nous avons repris l’entreprise avec ma sœur Véronique en 1998. Nous avons grandi dans cet atelier, j’ai appris à broder sur les genoux de ma marraine, la fille de « Tante Fine ». Mais notre mère ne voulait pas que nous reprenions l’atelier et elle nous a demandé de faire des études. Moi, j’ai une licence de géologie et ma sœur a une licence d’arts plastiques…

Aujourd’hui, je suis Maître Artisan d’art en broderie et en plissage. Ce qui est rare car généralement on est Maître Artisan d’une seule catégorie. Des plisseurs, il n’y en a plus que quatre en France. Concernant la broderie, nous faisons de la broderie d’art et nous ne sommes plus qu’une douzaine en France. Nous faisons partie de la Fédération Française des Dentelles et Broderies. Et, dans mon art de broder, le « guidé main » je suis la dernière en France.

 

La broderie aujourd’hui

Aujourd’hui, la demande en broderie est très éclectique. On fait du linge de maison ou des vêtements. Nous travaillons également pour des créateurs, des couturières ou des particuliers. Et pour la haute couture de temps en temps. Nous travaillons de plus en plus avec le monde de la maison et les décorateurs, dans le cadre par exemple, de la restauration de châteaux.

Nous arrivons à travailler toutes les deux avec ma sœur. Et nous nous sommes ouvertes à d’autres savoir-faire, notamment les intérieurs de beaux bateaux ou de yachts. Il faut savoir rester ouvert.

Comme je suis quelqu’un qui a besoin d’avancer et d’être stimulée, je travaille régulièrement avec la Maison de l’Artisanat, et sa fabuleuse directrice. Cela me fait sortir de mon quotidien. J’ai ainsi été commissaire de l’exposition « l’Art des plis », en 2012, qui a reçu plus de 28 000 visiteurs. Une belle réussite ! C’est suite à cela que j’ai commencé à travailler comme enseignante à IICC Mode.

 

Broder, c’est mettre un point après l’autre

Avant de broder quelque chose, il y a des étapes très précises à respecter. Tout d’abord, on définit avec la cliente le dessin, le style et l’endroit où elle souhaite que l’on brode. Ensuite, on fait quelques croquis. Puis, on choisit les couleurs. Puis, on fait le dessin sur un calque, à l’échelle et on fait de petits trous à la main dans le calque. Avec une aiguille. Suite à cela, on utilise une poncette et de la « poudre magique » faite exclusivement par une société anglaise… qui n’existe plus ! La maison-mère a fermé récemment. Donc, maintenant, nous les brodeurs, on fait comme on peut et nous avons tous inventé notre produit de substitution à la poudre magique. Puis, on frotte le calque avec ce produit et cela fait le transfert du dessin sur le tissu. Une fois que cela est transféré sur le tissu, il n’y a plus qu’à broder là où il y a les petits points. Pour la broderie en elle-même, tout dépend de ce qu’ont choisi des clientes ; il y a le point de bourdon, le point de Cornely, le point de chaînette, le point mousse… Et l’on peut faire cela avec des paillettes, des perles, des plumes… Tout est permis. On peut même broder avec du métal ou sur du sac plastique ! Bref, c’est « brode way » !

 

Pour tout savoir sur l’actualité de Claire, de Véronique et des Filles d’Hortensia :

– Visites d’ateliers (en groupe et sur RDV)
– Facebook : Les Filles d’Hortensia Brodeur-Plisseur ou http://lesfillesdhortensia.pagesperso-orange.fr/
Info culture : la murène est l’emblème des brodeurs

 

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