Gad Elmaleh, booster de l’humour marseillais
Depuis plus de vingt ans, Gad Elmaleh fait rire la France entière et a même réussi à s’imposer outre-Atlantique. Après avoir conquis les grandes scènes et exploré le stand-up aux États-Unis, l’humoriste revient aujourd’hui avec un projet plus intime mais tout aussi ambitieux : Le Vig’s, inauguré l’hiver dernier à Marseille. Un lieu pensé comme un tremplin pour les nouveaux talents, mais aussi comme un lieu de convivialité. Entre son lien personnel avec la cité phocéenne, son envie de transmission et ses projections artistiques, Gad Elmaleh nous a accordé un entretien exclusif.
ToutMa : Pourquoi Le Vig’s à Marseille précisément, et en quoi ce lieu diffère-t-il des autres ?
Gad Elmaleh : Le choix de Marseille, c’est un concours de circonstances : un ami d’enfance ouvrait un pub sur le Vieux-Port et voulait de la musique. Je lui ai proposé d’y mettre des stand-uppers. Je voulais un lieu petit, chaleureux, pas un théâtre. C’est comme ça que Le Vig’s est né. Ensuite, gérer un club, c’est beaucoup de travail : programmer, trouver de nouveaux talents, organiser des open mic, vendre des billets. Mais j’adore ça, c’est ma salle de sport, un endroit idéal pour tester de nouvelles blagues.
TM : Que représente Marseille pour vous, sur le plan personnel et artistique ?
GE : Marseille est une scène artistique très puissante. Il y a beaucoup de talents locaux, notamment en humour. On pourrait remplir un line-up entier avec des humoristes marseillais de qualité. Pour moi, la ville est une plaque tournante, comme Paris, mais avec son énergie unique. Et je suis ravi de contribuer à cet écosystème sans égoïsme : si un comique joue ailleurs, tant mieux, il progresse et enrichit le milieu.


TM : Ce comedy club ici est-il une façon de soutenir de jeunes humoristes et de transmettre votre expérience ?
GE : Oui et non. Cette nouvelle scène n’est pas une posture du type « je veux donner leur chance aux jeunes », c’est surtout que la transmission me profite aussi. J’apprends, ça me renouvelle, ça m’inspire. Ce n’est donc pas la motivation première, mais c’est une conséquence. Le stand-up permet cette transmission simple et directe : on apprend ensemble, on échange. Les jeunes m’inspirent autant que je peux les inspirer. C’est un vrai « win-win » : ça nourrit le club, ça nourrit les humoristes, ça me nourrit, moi.
TM : Vous avez joué sur les plus grandes scènes du monde. Pourquoi revenir à un projet aussi intime et local ?
GE : Jouer dans des salles incroyables comme le Carnegie Hall ou l’Opéra de Sydney, ça m’a formé. Mais revenir dans un club, c’est comme un artisan qui reprend ses outils : on façonne, on cisèle son art sur du brut. C’est passionnant, ça me reconnecte à l’essence du stand-up, à l’interaction direct avec le public.
TM : Quand vous observez ces nouveaux humoristes qui se produisent à Marseille, qu’est-ce qui vous surprend le plus ?
GE : La singularité et la créativité. Les réseaux sociaux propulsent des talents incroyables, mais ce qui me touche vraiment, c’est le récit personnel. Par exemple, un humoriste qui travaille aux pompes funèbres le jour et fait du stand-up le soir : ce type de singularité, on ne peut pas l’inventer. Ce sont ces histoires vraies et uniques qui font rire. Et certains jeunes Marseillais tiennent un line-up aux côtés de comédiens confirmés : c’est impressionnant.
TM : Quel regard portez-vous sur votre parcours et quelles sont désormais vos envies artistiques ?
GE : J’ai eu une carrière pleine d’apprentissage et de gratitude. Aujourd’hui, ce qui m’intéresse, c’est le développement artistique, expérimenter, tester de nouvelles formes. Je me pose beaucoup de questions sur l’évolution du stand-up en France : va-t-il rester épuré ou se tourner vers quelque chose de plus théâtral, avec scénographie et personnages ? J’aimerais mélanger ces deux approches, garder l’efficacité du stand-up pur tout en explorant des formes plus élaborées.
TM : Dans vos spectacles, vous aimez souvent rire des vôtres, famille et origines confondues. Pourquoi ?
GE : Puiser dans le matériel personnel, c’est puiser dans sa singularité. Chacun est unique dans sa famille, son vécu, ses origines. La vérité fait rire. Les histoires authentiques, même très simples, touchent toujours plus que ce qui est inventé. Un humoriste doit être vrai et vulnérable : c’est ça qui crée la connexion avec le public.
LE VIG’S, 15 quai de Rive Neuve, Marseille 1er
www.levigs.com
Photos : © Arié Elmaleh