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Salim AZZAM, Orient rêvé

Des plus hauts sommets du mont Liban, souffle sur la mode un air de modernité, imprégné des mystères d’un savoir-faire ancestral, celui des brodeuses druzes. Porté par les ailes des hirondelles du Chouf et les effluves d’agrumes, c’est un condensé du Liban qui se tisse dans les fibres des vêtements designés par Salim Azzam, lauréat 2024-2026 de la bourse Fashion Enthusiasm du Fonds de dotation Maison Mode Méditerranée.

Communauté préservée

Si la symbolique des vêtements proposés par la marque éponyme de Salim Azzam peut parfois sembler naïve (oiseaux, cheveux, fruits et autres végétaux), c’est que l’esprit de ses pièces haute couture est à chercher dans ses souvenirs d’enfance. Une jeunesse montagnarde, tournée vers la nature et passée dans le Chouf, une région située au sud-est de Beyrouth, où le temps semble s’être arrêté, où les communautés religieuses cohabitent depuis des siècles et où les femmes occupent leurs journées, depuis des temps immémoriaux, à faire de la broderie ou du crochet dans leur jardin… La nostalgie d’un pareil tableau pourrait paraître passéiste et un brin réactionnaire (ou au mieux désuète), s’il n’y avait dans la démarche de Salim une véritable volonté entrepreneuriale, un désir d’empowerment et de reconnaissance pour ces ouvrières-artisanes de grand talent que le monde a failli oublier. Remontons quelques décennies en arrière : au XXe siècle, ces minutieux travaux textiles assuraient aux ménages modestes de la région des compléments de revenus, tout en jouant un réel rôle culturel d’identification sociale, marquant à même l’habit le statut de tout un chacun. Aujourd’hui, en redonnant un coup de peps à une tradition qui commençait à se perdre, Salim a réussi à créer un atelier d’envergure et des emplois durables dans un Liban où la stabilité est malheureusement devenue chose rare. S’il s’est lancé dans l’aventure de la mode en 2016 avec seulement 3 brodeuses, il travaille aujourd’hui avec une équipe de 60 artisans !

Photo 1 : Mohamad Al Rifai, Photo 2/3 : © Rayan Chehab

La reconnaissance internationale

Mélange de modernité, de tradition et d’engagement social, son projet avait tout pour séduire une fashion sphère en pleine mutation. Mais au-delà de la mode, c’est bien le milieu hyper sélect’ de la haute couture que Salim Azzam a su subjuguer par ses coupes assurées, ses couleurs franches, et ses motifs élégants, réhaussés par la finesse absolue du travail des brodeuses. Ainsi, il rafle en 2019 le Fashion Trust Arabia, avant de faire la couv’ de Marie Claire (édition Arabia) et de collaborer, cette année, sur une création exclusive avec Cartier. Travaillant beaucoup (mais pas exclusivement) sur des tissus blancs, en écho au voile immaculé porté par les femmes druzes, Salim Azzam nous rappelle qu’il a commencé comme designer graphique. Un voile comme une page blanche sur laquelle on raconte des histoires, récits qui, malgré l’ascension vertigineuse du jeune prodige libanais, se déroulent au rythme des mains de ses brodeuses, un temps dicté par une certaine lenteur, celle du travail bien fait, celle de la haute couture et celle, on l’espère, de la mode du futur !

Photos : © Rayan Ayach

salimazzam.com
Instagram : @salimazzam
dotationmodemed.fr

Photo en Une : © Astrid Saes