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François Civil, acteur marseillais

À l’affiche du Bac Nord de Cédric Jimenez, (qui connait à l’heure actuelle un succès mérité !), François Civil joue les gros bras aux côtés de Gilles Lellouche et de Karim Leklou. Le film est réaliste et lumineux, on y (re)découvre les quartiers Nord de Marseille avec des paysages urbains superbes et une humanité vraie, dans toute sa violence et ses fragilités. Un cinéma d’une intensité rare qui ne laissera personne indifférent. Rencontre avec un jeune acteur de premier plan, totalement séduit par la ville et avouant dorénavant son ascendance pour moitié marseillaise…

ToutMa : Connaissais-tu Marseille avant de tourner Bac Nord ? Comment vois-tu la ville aujourd’hui ?

François Civil : Je connaissais un peu car j’ai une partie de ma famille qui vient d’Avignon, même si ma mère elle-même est née à Marseille, d’ailleurs. Elle a grandi à Châteauneuf-du-Pape surtout, mais mes grands-parents étaient marseillais, les Tacussel, la famille des libraires. Ensuite ils ont fait du vin…

Moi, je suis très parisien dans l’idée, mais par contre, avoir vécu à Marseille pendant tout le tournage de Bac Nord m’a fait tomber complètement amoureux de la ville. J’avais l’image classique des coins les plus touristiques, comme le Vieux-Port, mais je me suis rendu compte qu’ils étaient aussi très populaires. Tout le monde est mélangé dans tous les quartiers. Dans cette ville, le côté multiculturel qu’ont les grandes métropoles en général, est encore plus fort. Marseille a un souffle bien à elle…

TM :Bac Nord, un film dur qui jette l’opprobre sur les défaillances de la bureaucratie policière, mais qui met en valeur le courage des flics de terrain. Ton rôle a-t-il changé ton regard sur la police ?

FC : Bah, forcément un peu… Après, « changer » mon regard… On va dire que depuis mon statut de privilégié parisien, je n’ai jamais été vraiment confronté à cet univers qui, en plus, n’est pas souvent traité au cinéma. Et surtout, ces dernières années, on parle davantage de violences policières que de police… Je pense au film de Ladj Ly qui a abordé la tragédie des bavures policières dans Les Misérables et là-dessus, mon regard ne change pas, je reste choqué. Par contre, en rencontrant ces policiers dans leur contexte de travail, en se confrontant à leur quotidien en profondeur, on se rend vite compte que la réalité est plus dure et plus complexe que ce qu’on avait imaginé, et que ces hommes engagés avec de bonnes intentions au départ, se font broyer malgré eux par la défaillance du système hiérarchique face à la délinquance ingérable des cités, etc. D’où cette ligne jaune parfois franchie… Sans être moralisateur, le film dénonce ce qui est pourri au sein de la police à tous les niveaux.

TM : Il met aussi l’accent sur la terrible réalité des cités ghettos des quartiers Nord. Avez-vous tourné les scènes d’action dans les vraies zones de danger ? 

FC : Par moment, oui, nous avons tourné dans des endroits réputés dangereux, comme Félix-Piat, là où le pouvoir appartient à ceux qui l’ont pris… des coins où l’on voit que la République a capitulé. C’est ce que Cédric Jimenez voulait montrer. L’expérience que nous avons eue a été plutôt fraternelle car les gens de ces quartiers souffrent de ces situations, ils en sont aussi les victimes et ils étaient heureux qu’on s’intéresse à eux. Du coup ça s’est très bien passé. 

Après, la grosse scène d’attaque a été tournée dans une cité de Port-de-Bouc. On a mis plus de 15 jours à la mettre en place ! On a eu le temps de faire connaissance. Les habitants ont d’ailleurs fait office de figurants et tous ont joué le jeu. C’était une grande chorégraphie dans la rue. Il est clair qu’il y avait beaucoup de bracelets électroniques (rires)… mais le fait qu’on soit là, avec eux, les a rendus heureux. 

TM : Crois-tu que la réalité de ces cités soit celle que montre le film ?

FC : Ah oui ! On a fait un tour des différents quartiers avec un van aux vitres teintées, pour la préparation du film. On est passé devant La Castellane et on a vu ces mecs masqués, qui font le guet, prêts à sonner l’alarme en cas de menace. On voit des armes à feu qui dépassent par endroit. On est passé une deuxième fois et là des mecs cagoulés en moto cross ont commencé à nous suivre et à taper sur la voiture. En fait, ils agissent comme les protecteurs de leur monde à part. Mais c’est assez impressionnant et oui, c’est toujours comme ça.

TM : L’action se situe en 2012, et se base sur une histoire vraie. Est-ce que cela change quelque chose à ton jeu de partir de faits réels et de personnes existantes ?

FC : C’est le combat du réalisateur de savoir comment positionner son film s’il veut être au plus proche de l’histoire. Pour nous, acteurs, c’est différent. Dès le départ, avec Gilles et Karim, on s’est inspirés des vrais personnages mais on a eu envie de prendre quelques libertés d’interprétation. La dynamique de notre trio ne ressemble pas à la leur. On a pris des latitudes de fiction. Ce qui importait, c’était qu’on ait l’air de vrais flics de la Bac Nord !

TM : Tu as plusieurs scènes tendres et complices avec la jeune Kenza Fortas (dont le rôle nous fait craindre sans cesse des représailles violentes). Que dirais-tu de cette jeune comédienne hors système ? 

FC : Eh bien, ce que tu viens de dire, c’est le truc le plus beau qu’on puisse penser d’un acteur et/ou d’un personnage dans un film… S’inquiéter pour lui ou elle ! Kenza a une forme de sauvagerie dans le jeu qui est très rare, d’ailleurs ; elle est au début de sa carrière, avec toute son immaturité professionnelle. Elle ne s’embarrasse pas de grand-chose. Du coup, elle a été d’une grande aide dans la construction de mon personnage. Dans son rôle, elle est tellement légitime ! Elle m’a aidé à me sentir vrai dans le mien, avec cette dégaine qui n’est pas habituelle, cet accent que je devais avoir mais sans outrance… 

TM : Qu’est-ce que tu apprécies dans le cinéma de Cédric Jimenez ? Quel souvenir garderas-tu de ce tournage ?

FC : Cédric, déjà, a grandi dans les quartiers Nord. Il a été un garde-fou génial pour qu’on soit crédible dans nos rôles. C’est aussi un gros bosseur qui se documente énormément, qui s’est évertué à filmer la police, le commissariat au plus juste et même leurs rapports avec la hiérarchie, à filmer les flics et les dealers pendant les interventions… C’est un amoureux de Marseille, comme il faudrait en plus, pas juste pour sa Bonne-Mère et son Vieux-Port. Il aime Marseille dans toutes ses différences. D’ailleurs il avait à cœur de tourner aux Puces pour montrer cette diversité humaine, les déambulations de la Bac Nord, les petits passe-droits, etc. Les différences de décor aussi sont dingues. On passe de l’Estaque, où on se croit à Miami, à l’autre côté de la Méditerranée, au boulevard Oddo, très soudainement. On était vraiment en immersion. J’étais heureux. J’avais tellement l’impression d’être au bon endroit (rires) ! Marseille en août, c’est génial, on va se baigner les week-ends. En septembre, y a déjà moins de touristes ; on a vu Marseille dans plein d’ambiances différentes, on est allés dans des tas d’endroits incroyables. On a rencontré plein de gens de milieux variés, tout cela grâce à Cédric ! Avec Karim et Gilles, on en parlait sans cesse pour nous améliorer dans nos rôles. On n’arrêtait jamais de travailler en fait !

TM : Dans ce film, tu dévoiles un physique de baroudeur musclé… gros entraînement avant le tournage ou bien naturellement sportif ? 

FC : Je ne suis pas du tout Street Workout ! Je suis quand même sportif car je suis un passionné d’escalade, mais je n’ai pas la culture du corps. Pour le rôle, oui, j’ai joué le jeu, fallait que j’assure mes poursuites ! Je me suis même fait un claquage lors d’un sprint(rires) !

TM : À 30 ans, ta filmographie est déjà importante. Que projettes-tu l’an prochain ? 

FC : Je me retourne rarement… J’ai pas mal de projets de tournages qui vont s’accumuler en 2021, il va falloir m’organiser. Et J’ai même un rêve de gamin qui va peut-être se réaliser… mais c’est trop tôt pour en parler !