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CANTONA, THE KING IS (A)LIVE

Footballeur mythique de Manchester United puis acteur, artiste peintre et photographe, King Éric chante aujourd’hui, avec la passion qui le caractérise. Le chant l’a toujours tenté. Autrefois guest de choc de Rachid Taha, de Dyonisos, de Bernard Lavilliers, ou encore de Liam Gallagher, il écrit et compose désormais ses propres chansons avec la liberté qu’on lui connaît. Sa voix grave et profonde, sans artifices, nous embarque illico… à la façon d’un Leonard Cohen. Quatre titres, qui seront suivis d’un album live, préfigurent sa tournée. Éric Cantona passera évidemment par Marseille pour deux concerts exceptionnels qu’il donnera à l’Espace Julien. Et il ne s’en cache pas, « Marseille sera un moment spécial » pour lui. Autant dire que pour nous aussi !

ToutMa : La musique a toujours été présente dans votre vie, pourquoi ce projet d’album et de tournée maintenant ?
Éric Cantona : J’ai toujours rêvé de monter sur scène, de m’exprimer devant un public. J’ai eu la chance de le faire au théâtre, d’avoir eu cette sensation en tant que footballeur, parce qu’un terrain, c’est aussi une sorte de scène. J’adore les concerts, écouter les albums live, il se passe quelque chose de magique… ou pas d’ailleurs ! Le confinement m’a donné le temps de me mettre à la guitare, de suffisamment apprendre à jouer pour reproduire les morceaux, enchaîner des accords, poser mes textes. J’ai trouvé des morceaux que j’aime assez pour avoir envie de les interpréter sur scène. Je pense avoir de quoi m’amuser et partager avec le public.

TM : Quel a été votre processus de création ?
ÉC : Le plus souvent je pars de l’écriture, puis je compose la musique à la guitare ; mais je me suis parfois retrouvé à chanter en « yaourt » tout en jouant de la guitare, pour m’amuser, et à dénicher une mélodie à partir de laquelle j’ai pu composer des paroles. Toute la musique a donc été composée à la guitare, à l’exception d’un titre, en espagnol, composé à la voix. En dehors de cette piste, je chante dans deux langues, ce qui permet de moduler l’expression ; la liberté des mots en français me permet d’atteindre une certaine musicalité, alors que l’anglais est déjà musical et donne des textes plus imagés, cinématographiques. Mick Jones me disait : « Joe Strummer écrivait les textes et moi, la musique, mais la musique résonnait déjà dans le son de ses paroles. » En français, c’est plus compliqué de trouver une musicalité des mots.Pour parler d’une légende à Marseille, je trouve que Jul a indiscutablement dans ses textes cette musicalité. Il a une telle liberté : certains morceaux sont pleins de légèreté, d’autres au contraire sont profonds… il se permet tout avec la musicalité qui découle de ses textes. À Marseille, Akhenaton reste pour moi le compositeur le plus brillant, un poète, ses textes sont toujours aiguisés. Avec ces artistes (et d’autres aussi) dont le mode d’expression est le rap, on s’aperçoit que le français peut être une langue musicale.

TM : Comment s’est passée la production et l’enregistrement des titres ?
ÉC : J’ai confié mes morceaux à Johan Dalgaard, un homme magnifique, pianiste talentueux qui a travaillé avec de grands artistes comme Mylène Farmer, Benjamin Biolay, Alain Chamfort. La maquette a permis de définir l’instrumentation avant l’orchestration. François Poggio (collaborateur d’Étienne Daho, de Jane Birkin) est venu jouer à la guitare. Pour le moment, quatre titres (sur vingt) ont été enregistrés et produits aux « Studios La Frette » par Johan. Ma voix est soutenue par ce combo guitare-piano-cordes.

TM : Quels sont les thèmes abordés dans vos chansons ?
ÉC : J’aborde rarement un thème consciemment ; au départ, mon écriture est spontanée, libre, je suis comme dans un état d’écriture automatique dans lequel j’essaie de rester le plus longtemps ; ensuite, je garde, reprends ou retire. J’aborde des thèmes universels comme l’amitié, l’amour, mais pas seulement. Je ne m’interdis rien.

TM : Comment préparez-vous la tournée ?
ÉC : Je voulais jouer dans de petites salles, intimes, parce que mes textes racontent des histoires, il y a une narration… Et puis je démarre, j’y vais doucement ! Je ne jouerai pas de guitare sur scène parce que je ne me sens pas prêt et que je suis très bien entouré. Je préfère me concentrer sur les paroles. Comme le public va découvrir les chansons en concert, l’album ne sortant qu’après, on va proposer, comme au théâtre, un fascicule avec toutes les paroles et les traductions. Sur scène, je serai accompagné du violoncelliste Jean-François Assy et du pianiste Julien Perraudeau, deux grands artistes. On a démarré les premières répétitions d’ailleurs ; je leur donne mes idées, instinctives, et on échange avec une grande liberté propice à la créativité. On filme beaucoup car tous ces moments sont exceptionnels à vivre aussi, comme ceux de la tournée le seront par la suite.

TM : Pourquoi l’envie d’un album live ?
ÉC : J’ai toujours adoré ! Mon père écoutait beaucoup d’enregistrements d’opéra et mes premiers sous gagnés, c’était pour m’acheter des albums live de groupes. Dans le live il y a des imperfections et des moments de fulgurance ; il y a toujours une énergie particulière. Je sais que chaque soir sur scène sera différent, chaque moment même. Je suis très perfectionniste jusqu’au moment où je recherche cette liberté-là, celle que permet un live. Du travail naît la confiance qui permet ensuite, quand on a acquis les bases, de lâcher prise, de s’amuser et de prendre du plaisir. Capter l’énergie du public, être disponible pour la recevoir et être ensemble, dans l’interactivité, c’est ce dont j’ai envie. J’ai choisi des lieux qui ont une importance pour moi et Marseille sera évidemment spécial pour moi. Deux dates pleines d’intensité !

TM : D’où tenez-vous cette fibre artistique qui conduit votre vie ?
ÉC : Ma famille sans doute ; mon père avec ses albums d’opéra en vinyle rouge, mon grand-père jouait de la guitare, ma grand-mère chantait. D’ailleurs un jour je jouerai à la guitare la chanson corse Le Prisonnier, d’Antoine Ciosi, qu’interprétait mon grand-père, un morceau sublime. On la chante avec mes frères depuis toujours et la dernière fois que je l’ai chantée, c’était pour l’anniversaire de Françoise Fabian. Et puis ce truc simple que m’ont transmis mes parents : apprécier une belle lumière, un beau paysage, une démarche, un geste… savoir contempler. Et moi, si je n’ai pas la possibilité de m’exprimer par l’art, je meurs. La vie est magnifique mais je ne peux vivre avec moi-même qu’en étant en création.

TM : Quels sont les artistes qui vous inspirent ?
ÉC : Ils sont nombreux… Nick Cave, Leonard Cohen, Bashung, Les Clash, tous les groupes de Manchester des années 1990, Bowie, Daniel Darc, Gainsbourg, Christophe, Arno… sans oublier The Doors, Jim Morrison.

TM : Quelles valeurs transmettez-vous à vos quatre enfants ?
ÉC : La musique, le sport et l’art sont des valeurs importantes pour nous. La liberté, bien sûr, si précieuse à tous ; et savoir dire “non”, y compris à ses amis. Ne pas se laisser influencer. L’intégrité permet d’affirmer sa personnalité et ça aide beaucoup dans la vie.

TM : Quels lieux vous sont chers à Marseille et à quels moments de votre vie sont-ils liés ?
ÉC : Les quartiers de mon enfance, comme la rue d’Alexandrie, le quartier Sarde de Marseille où mes arrière-grands-parents se sont installés juste après la naissance de mon grand-père, né à Roquefort-la-Bédoule. Ils étaient arrivés de Sardaigne en 1910, fuyant la pauvreté. Avec mes parents et mes frères, j’ai grandi dans le quartier des Caillols dans le 12e, j’ai fait ma 4e et ma 3e en sport études au collège de la Grande Bastide (9e). Je me souviens du long trajet que je faisais chaque jour pour y aller, en passant par les Réformés et Castellane. Ensuite quand je suis revenu à Marseille, j’étais au Roucas ; j’ai eu un atelier au Vieux-Port, dans les anciennes voileries, où j’ai passé énormément de temps. J’ai toujours aimé les villes portuaires, l’appel aux rêves, l’appel du large !

TM : Votre plat provençal préféré ?
ÉC : La cuisine provençale est exceptionnelle mais je dirais la soupe au pistou et j’en fais une, la meilleure du monde !

ÉRIC CANTONA EN CONCERT
ESPACE JULIEN
Les 9 et 10 novembre 2023
cantonasingseric.club

© Photos : Jason Hindley